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Le Double Irish et le Dutch Sandwich ou comment Google échappe aux impôts européens en utilisant des prix de transfert.

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Publié le 03/10/2017
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Droit international : Fraude fiscale de Google

Le 24 mai 2016, une centaine de fonctionnaires du FISC et de la brigade de répression de la grande délinquance financière, ainsi que cinq magistrats du Parquet National Financier ont effectué une perquisition dans les locaux de Google, à Paris, pour une enquête de fraude fiscale. En effet, en 2014, la filiale Google France n’a versé que 7 millions d’euros d’impôts, grâce à un chiffre d’affaires déclaré de 52,5 millions d’euros, un montant évidemment très en deçà de son activité réelle en France.

Technique d’optimisation fiscale :  Double Irish et le Dutch Sandwich

Pour contourner les impositions françaises, Google France utilise une technique d’optimisation fiscale très connue des grandes entreprises américaines, telles que Starbucks, Amazon ou encore Facebook : le Double Irish et le Dutch Sandwich. Ces stratégies reposent sur la notion de prix de transferts, c’est-à-dire « des prix auxquels une entreprise transfère des biens corporels, des actifs incorporels, ou rend des services à des entreprises associées » (d’après l’OCDE).

Les filiales de Google

Afin de comprendre ces mécanismes d’optimisation, il faut revenir sur les différentes filiales que Google US a créées pour mettre en œuvre sa stratégie.

Tout le système a pour origine le siège social de Google US, aux Etats-Unis. Celui-ci a créé la filiale Google Ireland Holdings, située aux Bermudes, comme son nom ne l’indique pas. Il lui a confié les droits d’exploitation des brevets et autres propriétés intellectuelles (tels que les moteurs de recherches, le système d’enchères publicités en ligne etc.)

Ensuite, une deuxième filiale a été créée, appelée Google Ireland Limited, qui cette fois-ci se situe bien en Irlande (d’où le « Double Irish »). Or l’Irlande impose les entreprises à un taux relativement faible de 12,5%. Cette filiale réalise 88% des ventes hors Etats-Unis du groupe Google et va recevoir des royalties payées par les filiales situées dans des pays européens (Google France, Google Allemagne etc.).

Ces royalties seront ensuite reversées à la Google Netherlands Holdings BV dont le siège est situé au Pays-Bas. Ce pays n’a pas été choisi au hasard. En effet, dans la législation fiscale irlandaise, il existe une exemption d’impôts pour les royalties générées grâce à la propriété intellectuelle sur le sol irlandais et reversées par la suite aux Pays-Bas. Cela permet à la Google Ireland Holdings de reverser tous ses royalties à la filiale aux Pays-Bas sans débourser le moindre impôt.

La Google Netherlands Holding BV reverse ensuite ses royalties à la Google Ireland Holdings, la fameuse filiale située aux Bermudes, un paradis fiscal. Or la législation fiscale hollandaise exonère d’impôts les redevances de la propriété intellectuelle. Donc le transfert des royalties vers les Bermudes n’est pas imposé.

Exemple d’optimisation fiscale

Concrètement, si Google France fait 1000 € de chiffre d’affaires, mais reverse 900 € de royalties à la filiale Google en Irlande : elle n’est donc imposée en France qu’à hauteur de 100€ de chiffre d’affaires. Ensuite, Google Ireland Limited, qui a reçu 900€, va reverser 850€ à la filiale aux Pays-Bas et ne sera donc imposée que sur 50€ en Irlande, à un taux d’imposition de 12,5%. La filiale aux Pays-Bas ne comporte aucun salarié ni aucune charge et va reverser directement les 850€ à la filiale des Bermudes. Par ce mécanisme, sur 1000€ de chiffre d’affaires réalisés en France seulement 100€ y seront imposables.

Si ce système repose sur les différentes législations dans l’Union Européenne, la Commission Européenne est en train de se pencher sérieusement sur la légalité de ces techniques d’optimisation fiscale. À défaut d’une harmonisation totale des législations fiscales de chaque Etat membre de l’Union Européenne, la Commission Européenne a présenté deux projets de directives en janvier 2016 :

  • La première permettrait une amélioration des échanges d’informations entre les différentes administrations fiscales des Etats-membre. Les multinationales seraient obligées de détailler leurs charges fiscales pays par pays.
  • La seconde permettrait de taxer les profits dans le pays dans lequel ils sont générés.

En attendant que ces directives soient discutées par le Parlement Européen, Google risque toujours de devoir payer à la France 1,6 milliards d’euros au titre d’un redressement fiscal.

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