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L’encadrement de la phase de négociation par la réforme du droit des contrats

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Publié le 03/21/2017
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Réforme du droit des contrats

Si l’on enseigne traditionnellement que le contrat est formé par la rencontre instantanée d’une offre et d’une acceptation, il n’en demeure pas moins vrai que la loi perturbe parfois l’instantanéité de la rencontre des consentements, en posant des délais de réflexion pendant lesquels le contrat ne peut être conclu. Ainsi, si ce concept de « coup de foudre » contractuel correspond dans bien des cas de la vie courante à la réalité, il arrive parfois, préalablement à la conclusion de gros contrats, que des négociations s’étalent dans le temps, afin de permettre à chacun de murir sa réflexion.

Négociation pré-contractuelle

Si la phase de négociation pré-contractuelle, qui se définit comme la phase de dialogue entre les parties durant laquelle celles-ci forment des propositions et des contre-propositions, a longtemps été régie de manière informelle par la jurisprudence, le législateur a, à l’occasion de l’entrée en vigueur de la réforme du droit des contrats, consacré, par les articles 1112 et s. du Code civil, un certain nombre de règles applicables à ladite phase.          

Les discussions pré-contractuelles sont placées sous l’égide de la liberté contractuelle, conformément à l’article 1112 nouveau du Code civil, en ce sens où les parties, lorsqu’elles négocient ensemble, ne sont pas tenues l’une envers l’autre comme le seraient deux personnes ayant conclu un contrat. Ainsi les parties sont, durant ce prologue du processus contractuel, libres de mener leurs négociations comme elles l’entendent, de rompre les pourparlers quand elles le souhaitent, et surtout libres de ne pas conclure in fine le contrat. Elles sont dans une phase pré-contractuelle caractérisée par des discussions entre une partie qui va formuler une offre et une autre partie qui va formuler des contre-propositions, des conditions, etc.

Accord de négociation

Toutefois, il est parfois possible, avant même la conclusion du contrat final, de mettre en place des obligations à la charge de l’une ou l’autre des parties, dans le but de veiller au bon déroulement des négociations. Dans ce cas, les parties sont en droit d’organiser contractuellement les pourparlers, en ayant notamment recours à la signature d’un accord de négociation. Celui-ci va mettre à la charge des parties des obligations avec un délai fixé.

Restriction du principe de liberté contractuelle

Malgré tout, il est nécessaire de rappeler, comme le disait Marcel PLANIOL, que « le droit cesse où l’abus commence », en ce sens où le titulaire d’un droit ne saurait s’en servir au détriment de celui des autres, la vie en société exigeant de la part de chacun un usage raisonné des droits dont il bénéficie. Ainsi, les juges, puis dans un second temps le législateur, sont intervenus afin de restreindre ce principe de liberté contractuelle.

En matière de négociation pré-contractuelle, les parties qui négocient doivent se comporter de manière loyale et négocier de bonne foi, ce dont dispose le Code civil à l’article 1112 du Code civil, disposant que les différentes phases de négociation « doivent satisfaire aux exigences de bonne foi ». En ce sens, les parties ne doivent pas chercher à se tromper mutuellement ou à communiquer des informations volontairement erronées.

Responsabilité extra-contractuelle

Ainsi, si les pourparlers sont placés sous l’égide de la liberté contractuelle, de telle sorte que chaque partie peut en principe mettre un terme à ces pourparlers unilatéralement, cette rupture devient fautive dès lors qu’elle est abusive ou qu’elle ne respecte pas l’exigence de bonne foi. Celle-ci permet alors d’engager la responsabilité de son auteur sur le principe des articles 1382 et 1383 du Code civil relatifs à la responsabilité extra-contractuelle.     

Rupture des pourpalers

La rupture des pourparlers est appréciée par les juges au regard des circonstances de la rupture. La faute peut consister dans le fait de rompre subitement les pourparlers. En règle générale, plus les pourparlers sont longs, plus le juge considérera que la rupture est brutale. De plus, quand l’auteur de la rupture n’a pas de motif légitime pour y mettre un terme, le juge aura là encore tendance à reconnaitre la rupture brutale des pourparlers. Enfin, quand l’auteur de la rupture a fait croire à l’autre partie que le contrat serait bien conclu, est souvent caractérisée la rupture abusive des négociations. Plus des frais importants ont été réalisés lors des négociations, plus la rupture sera considérée fautive.

Eclairés par la technique du faisceau d’indices, les juges considéreront la durée et l’état d’avancement des pourparlers pour retenir ou non la rupture brutale des pourparlers.

Droit à réparation

Toutefois, s’il est vrai que la rupture abusive des pourparlers, véritable entorse au principe de liberté contractuelle, ouvre droit pour la victime a un droit à réparation fondé sur le concept de responsabilité extra-contractuelle, encore faut-il être en mesure de savoir quels sont les préjudices dont la victime pourra demander réparation, et surtout dans quelle mesure ces derniers sont réparables. En effet, cette rupture ne saurait se voir appliquer les règles relatives à la rupture contractuelle, en ce sens où les parties ne sont par définition aucunement liées les unes aux autres.

Le préjudice réparable consécutivement à une rupture abusive des pourparlers est en général constitué par les pertes subies, à savoir les frais occasionnés par la négociation voire l’atteinte à l’image découlant de la rupture des négociations. Le préjudice peut aussi s’étendre au manque-à-gagner lié à la perte d’une chance de conclure un contrat avec un autre contractant. Enfin, le préjudice consistant dans la perte subie par le négociateur en raison des diverses dépenses inhérentes à la négociation rompue (frais d’avocats, experts, frais de déplacements…) pourra lui aussi être réparé du fait de la rupture fautive des pourparlers.

En revanche, la jurisprudence, et depuis peu le législateur, se refusent à aller au-delà : la réparation ne saurait être étendue aux avantages que la conclusion du contrat permettait d’espérer, ni à la perte de chance de réaliser les gains attendus du contrat.  D’abord posé par l’arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 28 juin 2006, Manoukian, ce principe est aujourd’hui figé par l’alinéa 3 de l’article 1112 du code civil, qui dispose que « En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat non conclu ».

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