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Lorsque l’associé abuse de son droit de vote…

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Publié le 04/25/2017
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Dans le cadre de la société, l’une des hypothèses de faute que l’on puisse imputer aux associés est celle de l’abus de droit de vote. Cette théorie a été forgée par la jurisprudence, et ce en l’absence de tout texte, simplement sur le fondement général de l’abus, qui est susceptible d’être commis à l’occasion de l’exercice de n’importe quelle prérogative. On applique en matière d’abus de droit de vote la théorie générale de l’abus de droit, consacrée pour la première fois par un arrêt marquant du droit français qu’est l’arrêt Clément-Bayard du 3 aout 1915.

 

Les associés, en vertu de cette qualité, disposent de droits politiques leur permettant d’influer sur le fonctionnement de la société. Parmi ces derniers, le droit de participation et de vote dans les décisions collectives leur permet de donner leur avis et de faire valoir leur opinion lors de décisions. Toutefois, si le droit de vote est un droit nécessaire pour les associés, dont l’efficience doit être assurée par le législateur et le juge, ce dernier est venu tempérer le droit de vote des associés, afin que celui-ci ne soit pas absolu, sans quoi il peut nuire aux autres associés qui souhaitent eux aussi sauvegarder leurs intérêts.

 

La première hypothèse, dans laquelle l’abus de droit est reconnu par le juge en matière de décisions collectives, est l’abus de majorité, qui apparait comme la transposition en droit des sociétés de l’abus de pouvoir reconnu par la théorie civiliste de l’abus de droit. La Cour de cassation, dans un arrêt rendu par la Chambre commerciale le 18 avril 1961, définit l’abus de majorité comme « La décision qui est prise contrairement à l’intérêt social et dans l’unique dessein de favoriser les membres de la majorité et au détriment des membres de la minorité. »

Il résulte de cet arrêt que, pour être reconnu par le juge, trois conditions cumulatives doivent être remplies: d’abord, l’utilisation du droit de vote doit être contraire à l’intérêt de la société; en outre les majoritaires doivent avoir agi dans leur intérêt personnel. Enfin, la décision collective prise doit avoir pour conséquence de causer un préjudice aux minoritaires.

L’abus du droit de vote, comme tout autre abus de droit, est sanctionné par le juge ; c’est en effet une faute qui entraine un préjudice. Par conséquent, la reconnaissance par le juge d’un abus de majorité a pour conséquence le versement de dommages-intérêts, sur le fondement de l‘action en responsabilité. A cela s’ajoute la possibilité pour le juge d’anéantir l’abus, en prononçant l’annulation de la délibération litigieuse, conformément à l’article 1844-10 du Code civil (Exemple : annulation d’une mise en réserve systématique de bénéfices ou d’une sous-filialisation abusive).

 

La deuxième hypothèse est l’abus de minorité. Certaines décisions ne peuvent être prise qu’à l’unanimité ou à la majorité qualifiée (ex : la modification des statuts). L’associé qui dispose d’une « minorité de blocage » peut donc s’opposer à certaines décisions capitales pour la société, telles que la prorogation d’une société arrivée à son terme, l’augmentation de capital, le changement de forme sociale, etc. Quand une décision doit être prise à l’unanimité, chaque associé dispose d’un droit de veto. Selon la Cour de cassation, un minoritaire se rend coupable d’abus lorsque son attitude « est contraire à l’intérêt général de la société, en ce qu’il aurait interdit la réalisation d’une opération essentielle à la survie et au bon fonctionnement de la société dans l’unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment de l’ensemble des autres associés ». L’abus de minorité a un caractère exceptionnel, notamment dans le cas d’une augmentation de capital.

C’est notamment l’exemple de l’augmentation de capital : si la société est menacée de dissolution car son capital social est inférieur au minimum requis par loi, alors l’opposition systématique d’un associé à l’augmentation du capital serait considérée comme suspecte. Mais si la société est en bonne santé, l’opposition de l’associé à l’augmentation du capital peut s’expliquer par l’envie de conserver son poids politique (éviter l’effet de dilution).

Ici encore, il y a une faute dont découlent des sanctions. La différence avec l’abus de majorité réside dans la question de la survie de la décision litigieuse: alors qu’en matière d’abus de majorité, on annulait la décision qui avait été prise, ici il n’y a ici rien à annuler, puisqu’on n’a par définition pas pris de décision.

Toutefois, conformément à un arrêt de la Chambre commerciale du 9 mars 1993, le juge n’a pas la possibilité de rendre un jugement qui vaudrait délibération. Cependant le juge peut désigner un mandataire ad hoc, qui va représenter les minoritaires et qui va voter en leur nom, dans le sens de la décision conforme à l’intérêt social.

 

Une 3ème forme d’abus peut, dans les rapports entre associés au jour de délibérations collectives, être rencontrée : l’abus d’égalité. Celui-ci est caractérisé lorsque deux associés , qui ont exactement le même poids dans la société, se bloquent mutuellement dans un but autre que celui de la préservation de l’intérêt social. En réalité, l’abus d’égalité n’est autre qu’un abus de minorité particulier, en ce sens où la conséquence est la même: le blocage d’une décision nécessaire à la survie de la société. C’est pour cette raison que le système de sanctions est le même que pour les abus de minorité.

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