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Nullité de la société : le droit français mis à mal par le droit européen concernant les SARL et Sociétés par Actions

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Publié le 05/12/2017
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Droit des sociétés

La sanction naturelle d’un acte juridique mal-formé est la nullité. Or cette sanction de l’invalidité du contrat de société est très inconfortable en droit des sociétés, dès lors que la disparition de la société entraine la disparition de la personne morale, impactant les personnes gravitant autour de la société. C’est pour cela que le droit français des sociétés tente de réduire au minimum les cas où pourraient être prononcés l’annulation de la société. Puis, en cas d’annulation, il cherche à en minimiser les conséquences. A ce titre, la nullité ne produit pas d’effets à l’égard des tiers de bonne foi et celle-ci met fin au contrat sans rétroactivité.

Or ces règles nationales vont être mises à mal par le droit communautaire qui affiche clairement sa volonté de limiter les cas de nullité.

Le régime applicable en droit français des sociétés

Le législateur, ayant déjà anticipé les spécificités du droit des sociétés, avait, dès le Code Civil de 1804, dérogé au système des nullités virtuelles applicables au droit des contrats, au profit des nullités textuelles, en prévoyant la nécessité qu’elles soient expressément prévues par un texte de loi. Ici les dispositions sont contenues dans deux grands textes figurant dans le Code Civil et le Code de Commerce.

Tout d’abord l’article 1844-10 du Code Civil livre les cas dans lesquels pourra être prononcée la nullité : « La nullité de la société ne peut résulter que de la violation des dispositions des articles 1832, 1832-1, alinéa 1er, et 1833, ou de l’une des causes de nullité des contrats en général. »

  • L’article 1832 renvoie aux éléments constitutifs de la société et à ce titre sanctionne l’absence d’apport, le nombre incorrect d’associés ou bien l’absence d’entreprise commune.
  • L’article 1832-1 est désormais obsolète.
  • L’article 1833 fait référence à l’objet licite de la société et l’intérêt commun des associés.

Nous pouvons ici noter que l’affectio societatis, correspondant à l’élément intentionnel de la société indispensable à sa validité, bien qu’il n’apparaisse pas expressis verbis dans les textes, est remplacé par les notions « d’entreprise commune » et « d’intérêt commun ».

Enfin, les causes de nullités communes aux contrats pour lesquelles la nullité pourra être prononcée sont le défaut de consentement, de capacité et de contenu.

Puis, l’article L235-1 du Code Commerce, concernant les Sociétés à Responsabilité Limitée et les Sociétés par Actions, dispose que « la nullité ne peut résulter que d’une disposition expresse ou des lois qui régissent la nullité des contrats, la nullité de la société ne peut résulter ni d’un vice du consentement, ni de l’incapacité à moins que celle-ci n’atteigne tous les associés fondateurs ». Soit toute autre violation des dispositions du Code de commerce qui serait impérative et serait une condition de validité d’une société ne peut être sanctionnée par la nullité. 

L’apport du droit européen réduisant les cas de nullité pour les SARL et les Sociétés par Actions

C’est au travers l’article 12 de la directive n°2009/101 du 16 septembre 2009 que le Parlement européen réduit à six les cas de nullité concernant les SARL et Sociétés par Actions

Désormais « la nullité ne peut être prononcée que dans les cas visés:

  • le défaut d’acte constitutif ou de l’inobservation, soit des formalités de contrôle préventif, soit de la forme authentique,
  • le caractère illicite ou contraire à l’ordre public de l’objet de la société,
  • l’absence, dans l’acte constitutif ou dans les statuts, de toute indication au sujet soit de la dénomination de la société, soit des apports, soit du montant du capital souscrit, soit de l’objet social,
  • l’inobservation des dispositions de la législation nationale relatives à la libération minimale du capital social,
  • l’incapacité de tous les associés fondateurs,
  • le fait que, contrairement à la législation nationale régissant la société, le nombre des associés fondateurs est inférieur à deux.

En dehors de ces cas de nullité, les sociétés ne sont soumises à aucune cause d’inexistence, de nullité absolue, de nullité relative ou d’annulabilité. »

Une directive qui écarte le droit commun des nullités

Cette directive dans un souci d’harmonisation écarte le droit commun des nullités, ce qui exclut les vices du consentement et l’incapacité, sauf si cela touche tous les associés fondateurs. En comparant au droit spécial des sociétés, évoqué à l’article 1844-10 du Code civil, la liste des cas de nullité est bien plus courte. Sont retrouvées comme équivalences seulement l’objet illicite et le nombre d’associés.

De plus, au regard de l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 13 novembre 1990 Marleasing, il apparait que la liste des nullités fixées par la directive est exhaustive, et donc le juge national est tenu d’interpréter la loi conformément à celle-ci.

Concernant l’application de cette directive, en principe en application de l’arrêt Marleasing, les SARL et les sociétés par actions ne devraient plus pouvoir être annulées pour cause illimitée, absence d’apport, défaut d’affectio sociétatis, voire même pour fraude. Cela a été admis par la Cour d’Appel de Paris, qui dans un arrêt du 21 septembre 2001, confirme expressément pour le cas de l’apport fictif ou de l’absence d’apport, qu’il ne s’agit pas d’une cause de nullité et que le juge national se soumet à la volonté du législateur européen.

A l’inverse, la Cour de Cassation est toujours réticente à suivre les injonctions de la Cour de Justice de l’Union Européenne, et maintient sa solution traditionnelle en affirmant que les directives européennes ne sauraient écarter un Principe Général du Droit aussi vénérable que « fraus omnia corrumpit ».

Cette directive caractérise la volonté de l’Union Européenne de coordonner le droit des sociétés des Etats membres entre eux en limitant les cas de nullité. Et ce, afin de protéger les droits et intérêts des créanciers ainsi que ceux des associés. Elle s’inscrit dans l’objectif d’harmoniser le droit des affaires de la Zone Euro dès lors que la diversité des systèmes juridiques freine les capacités des Etats membres à générer de la croissance économique.

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