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De la compensation de dettes connexes

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Publié le 10/24/2017
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Cass. com., 27 septembre 2016

L’article 1101 du nouveau Code civil définit le contrat comme « un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations ». C’est en d’autres termes un acte par lequel une personne s’engage envers une autre à faire, à ne pas faire ou à donner quelque chose, et la rend dès lors débitrice à l’égard du cocontractant. Si, dans bien des cas, les obligations sont exécutées spontanément par les contractants, il demeure des cas où ces derniers peinent à s’exécuter.

Pour faire face à l’inertie d’un contractant, le juge dispose de pouvoirs lui permettant, par le recours à la force publique, de faire exécuter les prestations des contractants. Ainsi, lorsqu’un débiteur est condamné à la réalisation d’une prestation, telle la livraison d’un meuble ou d’une construction, la livraison d’un bien mobilier ou la fourniture d’une prestation, la force publique dispose en complément d’une voie de droit nommée astreinte, qui consiste en une condamnation au paiement d’une somme d’argent prononcée par un juge à l’encontre d’un débiteur récalcitrant en vue de l’amener à exécuter en nature son obligation. Cette somme varie en fonction de la durée de l’inexécution par le cocontractant de sa prestation.

 

Dans un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 27 septembre 2016, s’est posée aux juges la question de savoir si une créance d’astreinte pouvait être compensée par une créance d’une autre nature dont serait titulaire le cocontractant.

En l’espèce, une société a donné à bail à une autre société des locaux commerciaux, et a par la suite été, par ordonnance, condamnée à réaliser ces travaux sous astreinte. La société bailleresse ayant été mise en liquidation judiciaire, la société locataire a déclaré sa créance au titre des astreintes liquidées. Lorsque le liquidateur délivre à la société locataire un commandement de payer visant la clause résolutoire portant sur des loyers impayés depuis la date du jugement d’ouverture de la procédure de liquidation, ladite société forme opposition à ce commandement et invoque une compensation entre sa créance d’astreinte et la créance de loyers.

La Cour d’appel ayant fait droit à cette opposition, le liquidateur forme un pourvoi en cassation. Il fait grief à l’arrêt attaqué de constater la compensation pour connexité alors, selon le moyen, que l’astreinte est indépendante de l’obligation contractuelle qu’une partie a été condamnée à exécuter, de sorte qu’il n’y a pas connexité entre une dette d’astreinte qui n’a pas une nature contractuelle et une créance contractuelle de loyers.

La Cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs que « l’astreinte, qui est l’accessoire de de la condamnation qu’elle assortit, n’est pas indépendante de l’obligation, objet de cette condamnation, dont elle vise à assurer l’exécution ; qu’ayant constaté que l’obligation mise à la charge de la société Armor ayant donné lieu à l’astreinte était née du contrat de bail, la cour d’appel en a exactement déduit que la créance d’astreinte présentait un lien de connexité avec la créance de loyers ».

 

Si l’article L. 622-7 du Code de commerce interdit tout paiement des créances nées antérieurement jugement d’ouverture d’une procédure collective, ce texte autorise néanmoins le paiement par compensation avec une créance connexe. La jurisprudence a tendance à reconnaitre le caractère connexe de deux créances lorsque l‘une et l‘autre sont nées d’un même contrat, qu’il s’agisse de la créance née de son exécution, de son inexécution ou encore de sa disparition.

Dans sa conception initiale, il est certain que l’astreinte est avant tout une mesure de contrainte destinée à inciter l’exécution d’une décision de justice; c’est en outre une mesure de sanction qui tend au paiement par le débiteur qui ne se serait pas exécuté d’une somme d’argent indépendantes des dommages et intérêts. En ces deux cas, elle n’apparait pas comme liée à l’obligation contractuelle initiale.

Néanmoins la Cour de cassation, dans cet arrêt du 27 septembre 2016, retient que l’astreinte, si elle est une mesure de contrainte et de sanction, est également l’accessoire de la condamnation qu’elle assortit. Elle n’est ainsi pas indépendante de l’obligation objet de la condamnation, de sorte que la créance découlant des loyers impayés et celle provenant de l’astreinte découlaient d’un seul et même contrat ; qu’ainsi la compensation entre ces créances était possible.

 

Par cette approche, la Cour de cassation énonce le fait que l’astreinte, en ce qu’elle vise à assurer l’effectivité de la condamnation et donc, indirectement, l’exécution du contrat, n’est pas indépendante dudit contrat. Il serait dès lors artificiel de retenir que la créance d’astreinte n’a pas la même nature que l’obligation dont elle vise l’exécution, permettant ainsi une compensation entre les créances dont les cocontractants étaient en l’espèce réciproquement titulaires.

 

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