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Non, l’usage minime d’une marque ne justifie la perte du droit sur celle-ci !

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Publié le 06/07/2018
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En vertu du droit de la propriété intellectuelle, toute personne, qu’elle soit physique ou morale, qui veut singulariser ses produits ou ses services peut créer une marque pour ses propres besoins. Si le dépôt et l’enregistrement d’une telle marque offrent en principe un monopole d’exploitation sur la marque, un tel avantage est soumis à quelques conditions : si elles viennent à être bafouées, le créateur de la marque peut être déchu de son droit !

C’est l’article 714-5 du Code de la propriété intellectuelle qui dispose que « Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans » ;

Par voie de conséquence, et afin de supprimer du registre national des marques qui ne servent pas, et de faciliter le choix de noms distinctifs nouveaux, la marque est déchue s’il n’en a pas été fait un usage pendant les cinq années précédant la demande en déchéance.

Si ce délai de cinq ans n’a que rarement fait l’objet de contestation, la question du caractère sérieux de l’usage de la marque a nettement plus divisé la doctrine et la jurisprudence. En effet, se posait la question de connaitre les réalités que recouvrait le terme « sérieux ».

C’est à cette interrogation que la Chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 5 juillet 2017, tente de répondre.

Le cas de la société Sanofi

En l’espèce, la société Sanofi, spécialisée dans l’industrie pharmaceutique, avait déposé la marque « Aventis », dans le but de l’exploiter à des fins commerciales. Se prévalant de l’utilisation sporadique de la marque « Aventis » pour désigner des médicaments, la société Aguentis demande la déchéance des droits de la société Sanofi sur cette marque pour défaut d’usage sérieux, pendant une durée de cinq ans.

Elle soutient, dans son argumentaire, que les juges doivent apprécier le caractère sérieux de l’exploitation d’une marque en tenant compte des circonstances de l’espèce, et notamment de la nature du produit ou du service en cause, des caractéristiques du marché concerné, de l’étendue et de la fréquence de l’usage de la marque ; qu’en retenant que « l’usage sérieux ne requiert pas une commercialisation massive et un usage minime peut être qualifié de sérieux en regard du secteur économique concerné », et que « la société Sanofi produit des factures s’inscrivant dans la période de référence qui attestent de l’effectivité de la mise en production et de la vente des médicaments concernés », ce sans davantage analyser lesdites factures ni préciser en quoi leur contenu attesterait du caractère non sporadique de la vente des médicaments en cause au public, et sans indiquer en quoi ces ventes seraient suffisamment significatives au regard de l’importance du groupe Sanofi ainsi que des caractéristiques et de la taille du marché concerné, la cour d’appel avait privé sa décision de toute base légale au regard de l’article L. 714-5 du code de commerce.

La Cour de cassation rejette le pourvoi effectué par la société Aguentis, aux motifs « qu’il n’est pas nécessaire que l’usage soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux et que, même minime, il peut être suffisant pour recevoir cette qualification à condition qu’il soit considéré comme justifié, dans le secteur économique concerné, pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou services en cause ». La Chambre commerciale, par cette appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque, retient qu’un usage, même minime, peut recevoir une telle qualification.

Par voie de conséquence, la mise en production et la vente des médicaments concernés pouvaient être jugés effectifs ; il n’était pas, pour justifier le caractère sérieux de l’usage de la marque, nécessaire de vérifier si les ventes étaient suffisamment significatives au regard de l’importance du groupe Sanofi.

Loin de s’ériger en pionnier par l’appréciation qu’elle fait du caractère sérieux de l’usage de la marque, dont le défaut peut entrainer la déchéance du droit d’exploitation de ladite marque, la Cour de cassation ne fait en pratique que confirmer une solution depuis longtemps affirmée par les juridictions, qu’elles soient européennes ou nationales. Cette solution avait déjà été retenue par la CJCE dans un arrêt du 16 octobre 2003, ou par la Chambre commerciale dans un arrêt de 2016 ; celle-ci ne fait in fine, dans le présent arrêt, que confirmer sa position sur la question.

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