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L’impossible contrôle des ICO par l’Administration

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Publié le 01/30/2019
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Qu’est-ce que l’Initial Coin Offering ? 

L’Initial Coin Offering est une méthode de levée de fonds récente (2013), basée sur la blockchain et la cryptomonnaie. Il s’agit, pour des starts-up notamment, d’émettre des tokens (jetons, en français) dont l’achat par des investisseurs en crypto-monnaie (le plus souvent, bitcoins ou ethers) aura généralement vocation à financer un projet décrit par leur émetteur dans un “white paper“. C’est en cela que les ICO se distinguent des Initial Public Offerings (= offre au public de titres financiers), les tokens pouvant certes représenter des actions dans la société émettrice, mais aussi un investissement dans un projet proposé par leur émetteur, conférant un droit d’usage aux investisseurs une fois le projet réalisé – s’il venait à aboutir un jour (un des dangers, risques, des ICO).

En définitive, ces flux de valeurs, d’argent, de pair à pair (des investisseurs vers des émetteurs des tokens), ne transitent par aucune autorité centralisée : la blockchain, cette innovation numérique, permet l’affranchissement de tout organe tutélaire. Ici apparait en filigrane la difficulté, pour ne pas dire l’absence, de contrôle – possible – par l’Administration, de ces transactions. La question des pouvoirs de l’Administration face aux ICO se pose avec d’autant plus de force à l’heure actuelle : au second semestre, ils ont représenté 3 fois les investissements en capital-risque dans le monde. Mais en réalité le problème se situe plus précisément en amont ou en aval des ICO, c’est-à-dire lors de l’acquisition de crypto-monnaie et en cas de revente de tokens avec réalisation d’une plus-value.

A l’origine des achats de tokens, il convient en effet de distinguer deux motivations ; la première étant d’acquérir des actions dans la société émettrice, ou de bénéficier d’un droit d’usage sur son projet, et le second de faire une plus-value à la revente. La seconde hypothèse implique un problème d’imposition de la plus-value effectuée par l’investisseur originel. Une plus-value sera effectivement réalisée lorsque l’acheteur de tokens originel aura revendu ceux-ci à un prix plus élevé que celui de leur achat – en raison de l’augmentation de la valeur des actions ou de la réussite du projet décrit dans le « white paper » par exemple. Toutefois, puisque les tokens seront payés en cryptomonnaie, il sera difficile, pour ne pas dire impossible, pour l’administration de connaitre le montant cette plus-value ; d’autant qu’il est tout aussi difficile de déterminer le prix d’achat originel des tokens. Cette difficulté résulte du fait que, certes l’information existe, mais de telles transactions étant enfermées, sécurisées, dans un bloc de la blockchain et l’administration n’ayant aucun moyen d’accès à ces blocs, elle ne pourra pas les imposer en conséquence.

Les moyens, ou plutôt l’absence de moyens, de l’Administration

Différents moyens sont à disposition de l’Administration afin de contrôler l’activité des contribuables, particuliers ou entreprises. Peuvent notamment être cités le droit de communication, l’examen de la situation fiscale personnelle, ou encore la vérification de comptabilité. 

Le droit de communication est un « droit reconnu à l’administration fiscale de prendre connaissance […] de documents détenus par des tiers (entreprises privées, administrations, établissements et organismes divers, etc.). » (BOFIP). Les renseignements recueillis à cette occasion peuvent être utilisés pour contrôler la régularité des revenus déclarés par les personnes physiques ou des bénéfices réalisés par des personnes morales. La loi définit les organismes pouvant faire l’objet du droit de communication de l’administration, mais le phénomène mondial d’ICO étant encore assez récent et complexe, les plateformes de trading ne sont pas soumises à une telle obligation de communication envers l’administration fiscale. Cela signifie que si la transaction d’achats de tokens comme celle de revente – avec plus-value – est bien enregistrée dans une blockchain, l’administration n’a aucun moyen, légal et/ou technique, d’y accéder. Cet outil apparait ainsi inadapté aux exigences nouvelles.

D’ailleurs le problème demeure avec l’examen de la situation fiscale personnelle. Il s’agit ici, pour l’administration fiscale, de contrôler la cohérence entre les revenus déclarés par les contribuables et la situation patrimoniale, de trésorerie et les éléments train de vie des membres du foyer fiscal. En effet si les intéressés effectuent des plus-values sur la revente de tokens et qu’ils ne les déclarent pas spontanément à l’administration fiscale, cette dernière n’a aucun moyen d’appréhender ces plus-values sur ces plateformes auxquelles elle n’a pas accès, qui plus est en crypto-monnaie.

S’agissant de la vérification de comptabilité, il s’agit pour l’administration de contrôler la comptabilité des personnes – physiques ou morales – astreintes par la loi à tenir des documents comptables, notamment les starts-up émettrices de tokens ; les opérations classiques étant enregistrées via des logiciels de comptabilité. Dans le cadre des reventes de tokens cependant, il n’y a aucun moyen de s’assurer que les informations concernant la ou les transactions enregistrées dans une blockchain seront retranscrites dans la comptabilité de l’entreprise. Ainsi, encore une fois, puisque l’administration n’a aucun moyen d’accès aux informations de blockchain, elle ne pourra pas s’assurer de la totale transparence de la comptabilité de l’entreprise.

Par conséquent si elle n’a ni d’informations provenant de la plateforme, ni des revenus du particuliers, ni même des starts-up émettrices, l’opération d’investissement dans une ICO mais surtout celle de revente de tokens avec plus-value, demeureront inconnues de l’administration et ne pourront être imposées en aucune façon.

D’un point de vue fiscal, les procédures de contrôle actuelles dont dispose l’administration apparaissent inadaptées aux enjeux des ICO ; celles-ci ne permettant pas d’appréhender la détention de tokens, ni même de bitcoins.

Seule une démarche unitaire et mondiale semblerait pouvoir permettre une appréhension fiscale des ICO. Mais aujourd’hui la Chine se montre hostile à de telles collaborations entre Etats “contre“ la libéralité des ICO, alors que d’autres Etats se montrent quant à eux au moins réservés. 

Il serait vain de penser que l’administration pourrait toutefois facilement appréhender la plus-value lorsque le revendeur échangerait ses bitcoins par exemple contre de la monnaie “réelle“, reversée sur un compte bancaire classique.

En effet il lui serait toujours impossible de connaitre la valeur d’achat originelle des tokens et donc de déterminer le montant de la plus-value réalisée suite à leur revente. En outre, si le versement d’une importante plus-value en banque (après échange depuis la crypto-monnaie) pourrait “alerter“ l’administration, une plus-value plus modeste reversée sur de manière fractionnée, échelonnée dans le temps, serait envisageable.

Le revendeur a également aujourd’hui la possibilité de payer en crypto-monnaie des commerces comme Amazon, showroomprivé ou encore overstock, bien que l’achat de biens de trop grande valeur pourrait interpeller un agent de l’administration lors d’un examen fiscal de la situation personnel – puisque les éléments de train de vie du foyer fiscal sont pris en compte. Enfin pour les plus-values conséquentes, il est possible d’imaginer que le revendeur contracte un emprunt dans une banque étrangère (plutôt Etat ou territoire non coopératif), supposée collaborer, dont les sommes seraient versées sur son compte en banque français par exemple, et remboursé par le versement à la banque prêteuse de crypto-monnaie. Ainsi le revendeur de tokens récupérait sa plus-value depuis la crypto-monnaie en monnaie “réelle“, classique. 

Si vous avez d’autres questions, n’hésitez pas à contacter le cabinet Bruzzo-Dubucq.

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