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Une association qui se réunit dans un bar/restaurant est-elle soumise à fermeture administrative ?

Publié le 09/06/2020
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Une association qui se réunit dans un bar/restaurant est-elle soumise à fermeture administrative ?

 

Est-il par exemple possible de créer une structure juridique ad hoc permettant de placer une activité économique au-delà du domaine de l’obligation de fermeture ?

Il semble pertinent d’envisager la création d’une association à même de déjouer ce qui constitue le cœur de cible des mesures administratives prises depuis mars 2020, à savoir les lieux ouverts au public. En effet, une association Loi de 1901 a ceci d’original qu’elle compte en son sein une collectivité de membres qui organisent ponctuellement ou régulièrement des évènements réservés aux sociétaires.

La pertinence d’une telle création se réclame des considérants de l’arrêté préfectoral précité, c’est-à-dire de sa motivation même. Le préfet indique en effet que « l’urgence et la nécessité qui s’attachent à la prévention de tout comportement de nature à augmenter ou à favoriser les risques de contagion, en particulier dans l’espace public ». L’obligation de porter un masque (art. 1 de l’arrêté) est d’ailleurs circonscrite à l’espace public.

Or, par définition, une association n’est pas un lieu ouvert au public puisqu’elle vise précisément à discriminer entre les membres et les non-membres du groupement.

Le projet de création d’une association pourrait en outre s’appuyer sur le régime de liberté que connaît le droit français des associations. Celui-ci a prévu un régime de déclaration préalable des associations. Ce régime consiste à exiger des individus qu’ils informent l’Administration lorsqu’ils mettent en œuvre leur liberté de créer une association. Cela ouvre la voie à une éventuelle intervention de l’autorité administrative compétente, à savoir le préfet.

Néanmoins, en droit français, le contrôle de la création des associations est réduit à sa plus simple expression. Le ministre de l’Intérieur l’a rappelé dans sa réponse à la question d’un député s’étonnant de ce que l’Administration ait autorisé la création d’une association ayant pour but de soutenir les membres d’un groupement dissous (Rép. min., n° 28255, JOAN Q, 24 août 1987, p. 4747) : « Il est de jurisprudence constitutionnelle et administrative constante que la liberté d’association ne s’assortit pas d’un contrôle quelconque des autorités administratives chargées de recevoir la déclaration prévue à l’article 5 de la loi du 1er juillet 1901 sur le contenu de celle-ci, dès lors que le dossier est complet, dans sa forme. La création d’une association en France étant soumise à un régime déclaratif, il n’y a donc pas eu « autorisation de constitution » de celle-ci, ni « agrément officiel » de son activité, mais simplement exercice d’une liberté constitutionnellement garantie ».

 

L’on s’est un temps posé la question de savoir si l’Administration avait la possibilité de s’opposer préventivement à l’exercice d’une liberté publique en refusant de délivrer le récépissé de dépôt des statuts d’une association.

La réponse est négative, ainsi que l’a tout d’abord affirmé un jugement du tribunal administratif de Paris (TA Paris, 25 janvier 1971, Dame de Beauvoir et Sieur Leiris c/ministre de l’Intérieur). Cette décision était d’autant plus éclairante que l’Administration reprochait en l’espèce aux requérants de vouloir reconstituer un mouvement dissous « la gauche prolétarienne » — en prétendant déclarer une nouvelle association, « les amis de la cause du peuple ». Le tribunal de Paris soulignait que le législateur de 1901 n’avait entendu assortir la reconnaissance aux associations qui se sont acquittées des formalités prévues par l’article 5, d’aucune autre condition.

Cette solution a ensuite été confirmée par le Conseil constitutionnel (Cons. const. 16 juill. 1971, JCP G 1971, II, no 16832, D. 1972, jur., p. 685) : « Considérant qu’à l’exception des mesures susceptibles d’être prises à l’égard de catégories particulières d’associations, la constitution d’associations, alors même qu’elles paraîtraient entachées de nullité ou auraient un objet illicite, ne peut être soumise pour sa validité à l’intervention préalable de l’autorité administrative ou même de l’autorité judiciaire ».

Il résulte donc bien des termes utilisés par le Conseil constitutionnel que l’essence même de la liberté d’association se trouve dans l’absence de toute intervention préalable d’une autorité quelconque conditionnant la validité de l’association. Surtout, seul un juge peut déterminer a posteriori l’éventuelle illicéité d’une association.

 

A priori donc, la création d’une association ne souffre d’aucune limite. Un élément pourrait nuancer notre propos, mais il ne s’agit en réalité que d’une apparente limite.

D’abord, l’arrêté préfectoral précité ne précise pas à quelle structure juridique il est applicable ou non. Autrement dit, l’approche du préfet est, de manière très prévisible, fonctionnelle et non formelle. À la lecture de l’arrêté, l’on pourrait comprendre que, quelle que soit la forme juridique adoptée, tout établissement de restauration, débits de boissons ou de commerces d’alimentation générale doit être fermé au-delà de 00h30.

C’est dire qu’une association ne relève pas nécessairement du périmètre de l’arrêté préfectoral. Il est même possible d’affirmer que l’arrêté est purement et simplement inapplicable aux associations, car leur activité ne bénéficie par définition qu’à leurs sociétaires et ne sont donc pas des établissements ouverts au public.

Ensuite, si caractère frauduleux de l’association était rapporté – tâche incombant au juge et exclusivement à lui – plus exactement si l’abus du droit de créer une association était qualifié, ce ne serait qu’aux termes de l’article 3 de la loi du 1er juillet 1901 :

« Toute association fondée sur une cause ou en vue d’un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes mœurs, ou qui aurait pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire national et à la forme républicaine du gouvernement est nulle et de nul effet. »

Par exemple, est illicite l’objet d’une association dont l’activité essentielle consiste à organiser chaque année la chasse à la tourterelle au mois de mai, celle-ci étant illégale à cette époque. Il importait peu que l’association ait changé de dénomination, l’objet premier étant de provoquer la persistance d’une chasse déclarée illégale (Cass. 1ère civ., 16 oct. 2001, n° 00-12.259).

Il est donc de notre opinion que dès lors qu’une association est présumée licite en vertu de la loi de 1901 ; qu’aucun officier de police judiciaire ou une autorité administrative ne saurait de son propre chef apprécier la licéité du groupement, cette tâche incombant exclusivement au juge ; et que l’on ne saurait dès lors, en l’absence de toute décision de justice en ce sens, considérer qu’une simple association relève de l’arrêté préfectoral précité de l’obligation de fermeture qu’il prévoit.

 

 

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