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Rappel sur l’importance des pactes d’actionnaires

Publié le 08/02/2022
6 minutes

On désigne sous l’appellation « pacte d’actionnaires » ou « pacte d’associés » l’acte extrastatutaire qui a pour vocation decompléter les statuts, notamment pour régir et optimiser les relations entre associés, et in fine optimiser l’organisation de lasociété.

En effet, si les statuts ont pour objectif de régir le fonctionnement de la société, ils ne prévoient pas nécessairement lesdroits et les devoirs des associés. Le Pacte ne doit donc pas se confondre avec les statuts, il s’y ajoute pour régler d’autres questions que celles dont se saisissent les statuts. Par ailleurs et à l’inverse des statuts, les associés ne sont pas contraintsd’être parties au pacte et il n’est pas rare en pratique qu’il ne soit connu que des personnes l’ayant signé. En somme, le Pacte peut avoir pour principale qualité de demeurer confidentiel.

Les pactes d’actionnaires sont une pure création de la pratique, et ne se résument pas à une figure contractuelle précisément définie. Cet acte extra-statutaire renvoie à une grande variété d’accords et de clauses faisant appel à destechniques contractuelles classiques : pacte de préférence, promesse unilatérale de vente ou d’achat, lettre d’intention, promesse de porte-fort, clauses pénales, etc. Par conséquent, les parties aux pactes peuvent déterminer librement le contenu de celui-ci à condition de respecter les règles du droit commun des contrats, et ne pas enfreindre les règlesd’ordre public du droit des sociétés.

Cet outil juridique est donc une solution pertinente pour faciliter la gestion de la société et anticiper les éventuelles situations de blocage entre les associés.

Nous établirons dans un premier temps, un tour d’horizon sur les clauses importantes à insérer dans un pacted’actionnaires (i), puis dans un second temps, les moyens pour rendre un pacte efficace (ii).

I. Tour d’horizon sur les clauses importantes à intégrer dans un pacte

La création d’un pacte d’actionnaires peut intervenir à plusieurs moments de la vie de l’entreprise : en effet, celui-ci peut intervenir lors de la création de la société entre les fondateurs, mais également lors de l’intégration de nouveaux partenaires au capital de la société, pour régir notamment les modalités de cession des titres.

1. La clause de durée du pacte

Au sein du pacte, et comme dans tout contrat, les parties doivent accorder un intérêt particulier à la durée, car à défaut d’une durée déterminée, cela ouvre le droit à chacune des parties d’y mettre fin à tout moment sous réserve de respecter un délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut un délai raisonnable1.

2. Les clauses liées à la gestion de la société

En matière de gestion de société, il est d’abord possible de stipuler une clause de vote. Celle-ci prévoit, par exemple, la nécessité d’un accord unanime des signataires du pacte pour des évènements importants limitativement énumérés, ou encore la soumission à la loi de la majorité telle que celle-ci se dégage lors d’une réunion des associés signataires du pacte, préalable à la tenue de l’assemblée générale de la société.

Il est également possible de prévoir une clause de veto. Ce droit de veto s’illustre par un droit d’opposition à unemesure souhaitée par les autres. Ce droit peut-être explicite ou implicite, notamment en exigeant l’unanimité pour l’adoption de certaines mesures.

Les signataires du pacte ou certains d’entre eux peuvent s’engager au terme d’une clause de non- concurrence à nepas s’intéresser à des activités de même nature que celles développées par la société, voire à ne pas acquérir de participations dans des sociétés concurrentes. À travers cet engagement ils peuvent aussi se porter forts des sociétés dans lesquelles ils détiennent une participation importante, afin d’interdire le développeront d’activités concurrentes de celles de la société concernée par le pacte2. Pour être valable, la clause de non-concurrence ne doit pas interdire à ses signataires l’exercice de toute activité professionnelle ou les empêcher de réaliser leur objet social. Elle doit être limitée dans le temps et dans l’espace et proportionnée aux intérêts légitimes à protéger3.

Le pacte permet en outre d’envisager préalablement les modalités de transmissions des actions/parts sociales, en cas de décès d’un associé. La clause relative au décès peut selon la situation prévoir plusieurs scénarios, en particulier l’attribution des parts aux héritiers ou la revente des parts aux autres associés. Cette anticipation permet de solidifier le fonctionnement de la société, qui se retrouve parfois déséquilibré lorsqu’un tel évènement se réalise. Cette clause peut également prévoir la transmission des droits et obligations qui découlent du pacte à leurshéritiers et ayants droit.

Enfin, il est aussi possible de prévoir une clause d’information des associés, qui permet aux signataires du pacte d’être informés des décisions des organes de gestion avant leurs réalisations.

D’autres clauses plus classiques sont généralement insérées concernant la gestion de la société notamment, en particulier les clauses suivantes :

  • Clause de confidentialité du pacte
  • Clause de nomination des dirigeants
  • Clause de rémunération des dirigeants

Il convient désormais de s’intéresser aux clauses pertinentes concernant la mobilité des titres.

3. Les clauses relatives aux mouvements de titres

Les pactes d’actionnaires contribuent à garantir une stabilité et une circulation optimale des actions au sein de la société, et entre les actionnaires. Cette optimisation a lieu grâce à une combinaison de diverses clauses.

Parmi elle, une clause particulièrement intéressante, la clause d’agrément. Celle-ci permet de filtrer l’entrée de nouveaux associés ou d’actionnaires potentiels au sein de la société, mais aussi de contrôler la transmission des actions entre les associés. La clause d’agrément est donc un moyen efficace pour stabiliser l’actionnariat.

Le pacte peut contenir des clauses de préemption, faisant naître un droit de priorité pour le rachat des actions ou parts vendues. Ce type de clause a donné lieu à une jurisprudence abondante, car elles constituent par nature, une limite à la liberté de négociation des actions. Elles sont par conséquent interprétées de manière restrictive par les juridictions. Le rédacteur du pacte devra déterminer avec précision les situations dans lesquelles le droit depréemption s’applique.

Nous retrouvons également la clause de limitation des participations ou clause de plafonnement, celle- ci permet d’assurer l’équilibre de la répartition du capital social, en interdisant à certains actionnaires (minoritaires ou majoritaires) d’acquérir de nouvelles actions au-delà d’un seuil déterminé. Dans la même lignée, la clause d’inaliénabilité a pour objet d’interdire la cession ou la transmission des actions pendant une durée déterminée, l’objectif étant d’assurer un équilibre et une solidité de l’actionnariat.

Pour protéger les associés lors des augmentations de capital, la clause d’anti-dilution est particulièrement intéressante. Cette clause permet aux associés de préserver leur pourcentage de participation dans le capital de lasociété.

Certaines clauses sont également pertinentes pour sortir de la société, en particulier la clause de cession forcée, permettant à un associé de contraindre les autres à lui racheter sa participation. Nous retrouvons aussi la clause de sortie forcée, qui peut mettre à la charge de certains associés une obligation de vendre leurs participations dans la société en même temps et aux mêmes conditions, notamment de prix.

Enfin, la clause d’exclusion qui a pour objectif de prévoir l’exclusion d’un associé de la société à titre de sanction. Ce mécanisme facultatif est prévu également pour la SAS par le Code de commerce à son article L227-16, prévoyant que les statuts peuvent prévoir une obligation de céder ses actions à titre de sanction dans des conditions déterminées. La pertinence de cette clause réside avant tout dans la précision de sa rédaction concernant les situations de sa mise en œuvre.

L’ensemble de ces clauses contribuent à l’harmonisation du processus de transmissions des actions entre associés au sein de la société. Il convient désormais de garantir l’efficacité du pacte et son respect en pratique.

II. Les moyens pour rendre efficace un pacte d’actionnaires

L’efficacité du pacte réside dans une réunion de plusieurs éléments.

En premier lieu, il faut prévoir la durée de celui-ci, pour ne pas tomber dans le champ de l’article 1211 du Code civil. Comme évoqué précédemment, à défaut d’une durée déterminée, cela ouvre le droit à chacune des parties d’y mettre fin à tout moment sous réserve de respecter un délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut un délai raisonnable. Le pacte peut également inclure des évènements qui mettront un terme au pacte automatiquement.

En second lieu, l’effectivité du pacte réside dans le respect des mécanismes prévus par les clauses le composant. Prenons l’exemple de la cession d’action, il est très difficile en pratique d’obtenir la nullité d’une cession d’actions si celle-ci n’est pas conforme par rapport au processus du pacte (préemption / agrément), puisque lors d’un litige c’est la règle énoncée à l’article 1142 du Code civil qui vient s’appliquer, règle selon laquelle « Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d’inexécution de la part du débiteur. »4.

Il faut par conséquent prévoir des sanctions efficaces en cas de non-respect par l’un des actionnaires de ses obligations contractuelles, puisque si les parties savent d’ores et déjà à la signature que le manquement ne sera pas efficacement sanctionné, cela atténue lourdement sa valeur5.

Dans les SAS et en matière de contrôle de l’actionnariat, il convient de prévoir un système d’agrément et de préemption directement dans les statuts car la violation des clauses statutaires relatives aux cessions entraine la nullité de celle-ci6.

Concernant les autres clauses, il est notamment possible d’intégrer la société au pacte pour que celle- ci ne puisse refuser d’inscrire dans ses registres de mouvements d’action les cessions réalisées qui ne respectent pas les clauses du pacte.

Il est également recommandé de prévoir une clause sanctionnant toute violation des obligations prévues dans le pacte, notamment la clause d’exécution forcée en nature, qui permet au créancier de contraindre le débiteur à exécuter l’obligation qu’il n’a pas ou mal exécutée7.

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  1. Article 1211 du Code civil
  2. Memento Transmission d’entreprise 2022-2023 – 38190 « Engagement de non-concurrence »
  3. Cass. com. 11-3-2014 n° 12-12.074 / Cass.com. 30-3-2022 n° 19-25.794
  4. Article 1142 du Code civil
  5. Sécurisation des pactes d’associés – Marine-Anne Fabre
  6. Article L227-15 du Code de commerce
  7. Article 1221 du Code civil

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