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L’eau atmosphérique : un statut juridique dans l’air de l’analogie

Publié le 02/06/2023
8 minutes

Il est certain que la composition de chaque eau est différente et que plusieurs d’entre elles sont modifiées afin d’être améliorées par l’intermédiaire de divers procédés et notamment par le mécanisme peu connu que représente le générateur d’eau atmosphérique, déjà présent sur le continent américain.

L’environnement normatif inexistant qui gravite autour de ce mécanisme semble tarauder les juristes français puisqu’il demeure à ce jour la principale contrainte à laquelle est confrontée la commercialisation d’un générateur d’eau atmosphérique et donc également l’eau qui en découle. En effet, une commercialisation sur le territoire français soulève des questions essentielles quant à la qualification juridique qui doit être retenue. La problématique a le mérite d’être soulevée, puisqu’en France, l’eau propre à la consommation reste le produit le plus contrôlé[1] par les autorités.  

I. Fonctionnement et utilité d’un générateur d’eau atmosphérique

1/ La transformation de l’air en eau 

La principale contrainte à laquelle est sujette la fontaine à eau atmosphérique réside dans sa qualification juridique et, en conséquence, les prescriptions légales qui lui sont applicables. L’eau délivrée par la fontaine a comme origine de la vapeur humide présente dans l’air qui est un état intermédiaire de l’état liquide et de l’état gazeux[4]. Ici, la vapeur utilisée est dite humide, par conséquent, elle contient une certaine forme de liquide à la différence de la vapeur sèche

2/ Une solution concrète face aux enjeux sociaux et environnementaux 

La fontaine à eau atmosphérique présente de nombreux avantages de différentes natures. Ils peuvent être modélisés par un triptyque ; écologique, économique et pratique. En effet, le générateur d’eau atmosphérique et l’eau qui en résulte permettent de proposer une solution concrète face aux enjeux sociaux et environnementaux. 

D’un point de vue écologique, l’eau du générateur est obtenue à partir d’une captation de l’air, cette forme d’autonomie permet de répondre au phénomène de stress hydrique[2] en évitant de contribuer à l’épuisement des ressources liquides. Par ailleurs, le générateur contribue à la réduction de l’empreinte plastique en se calquant sur le fonctionnement d’une fontaine à eau traditionnelle qui n’exige aucune mise en bouteilles. 

D’un point de vue économique, l’achat d’une eau en bouteille coûte en moyenne 0,50 centime du litre, charges comprises. Tandis que celle générée par la fontaine d’eau atmosphérique reviendrait à 0,07 centime du litre, charges comprises[3].

D’un point de vue pratique, le générateur d’eau ne nécessite aucun raccord à un réseau d’eau potable, il dispose ainsi d’une liberté en ce qui concerne son emplacement en comparaison d’une fontaine à eau classique. 

Si le marché francophone s’intéresse peu à ce produit, l’acquisition d’un générateur marque pourtant l’occasion pour l’entreprise qui le commercialise de s’inscrire dans une démarche de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) ou a minima de contribuer aux enjeux du développement durable. Pour l’acquéreur, ce produit permettrait de considérer les enjeux sociaux et environnementaux au sein de son activité. 

II. L’analogie entre la réglementation française et l’eau atmosphérique 

Bien qu’a priori le générateur d’eau atmosphérique et son eau semblent constituer un tout indissociable bénéfique au bien collectif, d’une perspective davantage juridique, cet ensemble en réalité dissociable, pose plusieurs questions sans réponse notamment au sujet de leur qualification juridique respective.

1/ La pertinence de l’analogie à la fontaine traditionnelle

La principale contrainte à laquelle est sujette la fontaine à eau atmosphérique réside dans sa qualification juridique et de facto les prescriptions légales qui lui sont applicables. L’eau délivrée par la fontaine a comme origine de la vapeur humide présente dans l’air qui est un état à mi-chemin entre l’état liquide et l’état gazeux[4]. Ici, la vapeur utilisée est dite humide, par conséquent, elle contient une certaine forme de liquide à la différence de la vapeur sèche.

C’est sur ce point précis que repose en réalité la possibilité d’une telle analogie, puisqu’il va permettre de rattacher l’eau atmosphérique à une catégorie juridique existante en établissant une correspondance entre les différentes sources (infra). 

À terme, l’eau atmosphérique est destinée à une consommation alimentaire quotidienne. En vertu de l’article L1321-1 du Code de la santé publique (ci-après CSP), toute offre d’eau faite au public, sous « quelque forme que ce soit », à des fins alimentaires se doit d’être propre à la consommation. Au sein du CSP, existe différentes catégories parmi lesquelles on trouve « l’eau conditionnée » qui se subdivise en trois branches, dont fait partie l’eau rendue potable par traitement qui se puise dans une source souterraine ou superficielle. Les eaux en provenance des sources souterraines et superficielles ont pour principal point commun de revêtir le caractère d’état liquide. 

Pour parvenir à un résultat similaire à cette eau conditionnée, la vapeur est filtrée et traitée par le générateur. Cette vapeur est dite humide puisqu’elle est composée en partie de particules liquides permettant ainsi à cette source alternative de recouvrir le caractère qui est commun aux sources légalement prévues. Par ailleurs, afin d’être rendue propre à la consommation, l’eau atmosphérique subit des filtrations et des traitements tout comme l’eau conditionnée. Ainsi, par analogie et compte tenu du vide juridique soulevé par ce processus de transformation alternatif, les caractéristiques similaires permettent de rattacher l’eau atmosphérique à la catégorie juridique de l’eau conditionnée par traitement. 

En ce qui concerne le générateur, a priori la qualification juridique la plus à même d’être retenue est celle de la fontaine à eau, puisqu’il s’assimile à une installation destinée à la production d’eau froide à usage alimentaire. Toutefois, il est nécessaire de préciser cette affirmation afin d’établir quel type de fontaine est retenu en l’espèce parmi les deux catégories de fontaines à eau encadrées par le Code de la santé publique. 

Si l’assimilation à la catégorie de la fontaine à eau en bonbonne semble difficilement envisageable, il semble cohérent d’assimiler le générateur d’eau atmosphérique à la fontaine à eau sur réseau. À l’instar de l’assimilation de l’eau atmosphérique à une eau conditionnée, c’est seulement la source qui diverge : l’air. En effet, les fontaines possèdent un fonctionnement similaire tant au niveau du traitement de l’eau qu’au niveau de sa distribution (à l’exception du raccord à l’eau potable) et poursuivent le même objectif à savoir distribuer de l’eau propre à la consommation. De plus, elles font toutes deux face au phénomène de segmentation du produit en un contenant (la machine) et un contenu (l’eau).

La présente étude retient donc la qualification juridique d’eau conditionnée par traitement ainsi que la qualification juridique de fontaine sur réseau pour le générateur, entraînant de fait le nécessaire respect des dispositions relatives à ces qualifications juridiques.

2/ Le respect des normes applicables

La première obligation et la plus importante consiste à disposer d’une autorisation sanitaire d’eau propre à la consommation[6] en vue de produire, de distribuer ou de conditionner de l’eau potable comme en dispose l’article L1321-7 du Code de la santé publique. 

En pratique, la délivrance de cette autorisation relève de l’Agence Régionale de Santé (ARS) compétente[7]. Le dossier de demande d’autorisation à fournir comprend divers documents dont les contenus sont détaillés au sein des dispositions du Code de la santé publique. Toutefois, ces documents sont pour certains incompatibles avec ce procédé alternatif. En effet, les questionnaires n’envisagent en aucun cas l’hypothèse d’une eau atmosphérique. Au regard des interrogations qui subsistent quant à l’adéquation des prescriptions légales, la démarche à suivre pourrait débuter par l’envoi d’un courrier à l’attention de l’ARS compétente comprenant une description détaillée du projet. Celle-ci rentrerait alors directement en contact avec la Direction Générale de la Santé, probablement par le biais d’une question ministérielle. Une réponse devrait alors être apportée et permettrait d’affirmer avec certitude à quelle catégorie juridique appartient ce produit.

Ensuite et avant toute commercialisation, il est essentiel de respecter des obligations générales pour certaines, spécifiques pour d’autres. 

Le produit se heurte aux obligations générales relatives à la mise sur le marché d’une fontaine à eau par réseau traditionnelle. Parmi les nombreuses normes en vigueur, l’importante circulaire DGS/PGE/1D n°2058 en date du 30 décembre 1986 énumère les principales obligations devant être respectées. Elle comprend des prescriptions relatives à la conception de la fontaine, son installation ainsi que sa maintenance. Le produit se heurte également aux exigences propres à la substance même de l’eau. En vertu du droit français, il incombe à l’État d’établir la politique de santé de la Nation et par conséquent de veiller à « garantir la meilleure sécurité sanitaire possible »[8]. Le décret du 11 janvier 2007[9] fixe les limites et les références en matière de sécurité sanitaire de l’eau à boisson. Enfin, la mise sur le marché d’un générateur atmosphérique implique de répondre à des exigences spécifiques relatives aux matériaux ayant une finalité alimentaire, celui-ci étant, par essence, destiné à être en contact avec l’eau.  

De plus, toute personne responsable de la production, distribution ou du conditionnement d’une eau destinée à la consommation se doit de mettre sur le marché des matériaux et des objets conformes aux dispositions de l’article R. 1321-48 du Code de la santé publique. De cette affirmation découlent deux constats. D’une part, le producteur responsable de la première mise sur le marché se voit contraint d’obtenir certaines certifications. D’autre part, il est fondamental que le producteur s’assure auprès de ses fournisseurs d’utiliser des matériaux légalement conformes. En somme, il incombe donc au producteur de vérifier à la fois la conformité des matériaux utilisés auprès des fournisseurs et d’obtenir en amont de la commercialisation du produit : une attestation de Conformité Sanitaire[10] (ACS), attestant de l’aptitude d’un produit à entrer en contact avec l’eau, ainsi que le marquage « conforme aux exigences[11] » (CE), nécessaire avant toute mise sur le marché d’un produit au sein de l’Union européenne. 

3/ La nécessité d’un contrôle effectif 

Toutes ces normes témoignent de l’exigence à laquelle doit faire face l’eau propre à la consommation et les objets qui y sont intimement reliés. Il est donc nécessaire d’opérer un contrôle effectif afin de satisfaire lesdites obligations, puisqu’en cas de non-respect les autorités compétentes se montrent intransigeantes. 

Pour ce faire, le contrôle sanitaire de qualité de la fontaine et celui de potabilité de l’eau sont réalisés à deux niveaux.

D’une part, il s’agit d’un contrôle externe qui est obligatoire et indépendant de la volonté du commerçant ou de l’acquéreur. En vertu des articles L. 1321-4 et L. 1313-1 du Code de la santé publique, il est effectué respectivement par l’ARS compétente en relation avec un laboratoire agréé. 

D’autre part, il s’agit d’une surveillance interne par l’exploitant qui est organisée par les personnes responsables de la production et distribution de l’eau (PRPDE). Au niveau externe, l’ARS effectue des contrôles sanitaires réguliers qui comprennent notamment la vérification extérieure et intérieure des installations par l’exécution de programme de prélèvement et d’analyse des eaux[12]. Également, au niveau interne, aucune définition de la fréquence n’est précisée. Ainsi, le contrôle effectué par la PRPDE semble, au même titre, être à sa discrétion. Cependant, il est primordial pour celle-ci de fixer un contrôle régulier afin de « surveiller en permanence le dispositif »[13] (en vue d’offrir l’eau propre à la consommation la plus optimale possible.

4/ Quid de la responsabilité ?

Le générateur d’eau atmosphérique répondrait par conséquent au régime présent au sein des dispositions réglementaires et notamment la responsabilité du producteur du fait des produits défectueux et la responsabilité du propriétaire du fait du manquement à l’obligation de sécurité sanitaire.

Pour la seconde responsabilité, une summa divisio vient naturellement s’opérer entre le propriétaire qui reste le distributeur dans le cadre d’un contrat de location et le client acquéreur de la fontaine qui devient le propriétaire dans le cadre d’un contrat de vente.

On peut d’emblée affirmer que le producteur du produit fini est uniquement tenu de fournir au distributeur : les preuves de conformité sanitaire ainsi qu’informer l’organisme susceptible de commercialiser son produit de la responsabilité à laquelle il sera tenue. Une exception subsiste quant au producteur qui vend un générateur sans intermédiaire. En effet, si le producteur commercialise lui-même son produit sans passer par l’intermédiaire de distributeurs, il possède alors la double casquette producteur/distributeur et par conséquent la responsabilité qui y est attachée. 

En somme, bien que le présent procédé soit régulé dans certains États, le droit positif français ne propose aucune solution. L’absence de réglementation à laquelle fait face l’eau atmosphérique n’est pas sans conséquence et pose question quant au régime applicable, à la responsabilité et aux sanctions encourues. Ainsi, un éclairage de la part du législateur sur le sujet serait le bienvenu, à défaut duquel l’émergence d’un contentieux en la matière permettrait de forger une réponse à cette question. 

Nb : Cette analyse juridique est basée sur un raisonnement par analogie, puisqu’en droit positif aucune catégorie juridique ne saisit parfaitement ni le générateur d’eau atmosphérique, ni l’eau qui en découle. 


[1] À ce jour, plus de 70 critères de qualité et de potabilité de l’eau doivent être respectés. 

[2] Cette notion désigne le phénomène suivant : lorsque la demande en eau est plus importante que le volume d’eau disponible. 

[3] Cela englobe le coût de l’électricité et le changement régulier des filtres, hors achat de la fontaine. 

[4] Le site Internet de Thermal Engineering détaille très précisement la composition de la vapeur humide : https://www.thermal-engineering.org/fr/quest-ce-que-la-vapeur-humide-definition/.

[6] Organisation Mondiale de la Santé, « directives de qualité pour l’eau à boisson », Rapport, 2017 définit une eau propre à la consommation comme une eau saine qui ne présente aucun risque notable pour la santé. 

[7] Art. R1321-6 et suivants du Code de la santé publique

[8] ART. L1411-1 du Code de la santé publique. 

[9] Décret n°2007-49, 11 janvier 2007, « la sécurité sanitaire des eaux destinées à la consommation humaines ». 

[10] Conformément à l’Arrêté du 29 mai 1997 ainsi que la Circulaire ministérielle en date du 25 novembre 2002. 

[11] Art. 30 du règlement (CE) n°765/2008. 

[12] Art. R1321-91 du Code de la santé publique 

[13] Décret n°2007-49, 11 janvier 2007, « la sécurité sanitaire des eaux destinées à la consommation humaines ».  

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