14 novembre 2019

Entreprises concurrentes et Google Adwords

Peut-on utiliser le nom d’un concurrent pour valoriser sa société sur Google Adwords ?

 

« Votre marque est ce que les gens disent de vous lorsque vous n’êtes pas dans la pièce… ». C’est par cette formule empreinte d’humour et de réalisme que Jeff Bezos, fondateur d’Amazon, donne sa conception de ce que représente une marque pour une entreprise. Toutefois, il est assez fréquent qu’un concurrent diffuse de la publicité sur votre nom, par l’acquisition de mots-clés, en particulier grâce au système « Adwords » de chez Google.

Alors quid de l’hypothèse où un concurrent acquiert par le biais de services de référencement le nom commercial de votre entreprise aux fins de publicité ?

La genèse de cette réponse se trouve dans un arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne rendu le 23 mars 2010. Cet arrêt va venir poser un principe phare, au soutien de la pratique : Google ne se rend pas responsable de contrefaçon de marques par ces pratiques de référencement et ne peut être condamné des conflits entre marques sur Google Ads. Seuls les annonceurs seront tenus pour responsables en cas d’abus de la pratique.

Mais un arrêt du Tribunal de Grande Instance de Paris du 5 mars 2015, opposant Interflora et Florajet, va venir chambouler le procédé. Ce dernier énonce qu’il est parfaitement légal d’acheter le nom d’un concurrent sur Adwords tant que les annonces ne portent à confusion et que la nature de l’annonceur est clairement identifiable.

C’est donc ce principe qui fait foi à ce jour et qui règle les différends entre concurrents.

Concrètement, voici les différents cas à distinguer lorsque votre nom apparait dans l’annonce :

  • Si le nom est utilisé dans l’annonce, l’annonceur peut faire une réclamation auprès de Google, via un formulaire en ligne.
  • Si le contenu de l’annonce est préjudiciable pour la marque en question ou si l’annonce porte à confusion sur la nature de l’annonceur, un recours est possible pour contrefaçon de marques, captation de clientèle ou parasitisme.
  • Si c’est un simple achat de mot-clé qui contient votre nom, c’est parfaitement légal.

Il advient donc de s’interroger sur l’utilité d’exploiter le nom de marque d’un concurrent (1) et sur la manière de l’exploiter au mieux (2). Enfin, il est nécessaire d’envisager les méthodes de protection proposées aux entrepreneurs désireux que leur nom ne soit pas utilisé (3).

 

1. L’exploitation du nom commercial d’un concurrent

L’objectif principal de cette technique est de capter les clients potentiellement intéressés par vos services. Cependant, cette méthode affiche très vite ses limites. En effet, si un client cherche directement votre domaine d’activité accompagné du nom de votre cabinet (ex : « vêtements » + « ZARA »), cela signifie que celui-ci a déjà opéré un choix dans sa conscience de consommateur.

Ainsi, voir la publicité de votre concurrent, sans présenter de prime abord d’avantages significatifs, n’influera pas sur l’esprit de votre client, celui-ci voulant votre marque en particulier.

C’est pourquoi l’utilisation du nom de marque d’un concurrent peut s’avérer vite inutile s’il est mal fait et ne peut constituer qu’une source de dépenses inutiles, faute de créativité.

 

2. L’exploitation optimale du nom de la marque concurrente

L’utilisation d’outils de référencement se doit d’être accompagnée d’une certaine réflexion afin qu’elle soit efficace. Le simple référencement, par le biais de marques concurrentes, ne doit pas servir d’une simple présentation au client du panel d’offres qui s’ouvrent à lui. Le client sait déjà où il va.

Tout l’enjeu va être de faire transparaitre un avantage, en une ligne, par rapport au concurrent, afin de créer un doute chez le client. Le but va être de pousser le client à revoir sa balance entre principes rationnels et considérations émotionnelles.

L’achat d’une marque en particulier repose, en grande partie, sur des critères d’achats émotionnels, à savoir, la réputation, le niveau d’expertise, le relationnel, l’état d’esprit de l’acheteur… Votre opération consistera en ce sens à contrebalancer ces éléments (très lourds bien que moins nombreux en général) par des critères d’achats rationnels (prix bas, simplicité, nouveauté, offre spéciale…).

Un exemple vaut mieux que mille mots : SendInBlue est un éditeur français en marketing. Il est placé en concurrence directe avec la firme MailChimp et a acheté son nom dans sa campagne Adwords, comme présenté :

Dans sa campagne, SendInBlue vient prendre en compte 2 critères essentiels pour faire pencher la balance en son sens :

  • La possibilité d’utiliser un logiciel en français
  • Le prix bien plus avantageux

Mais au-delà de cela, la stratégie de communication du présent cas prend en compte la requête en elle-même, l’esprit qui est recherché par le client en écrivant ces mots-clés, le pourquoi de sa demande.

L’intérêt ne porte donc pas sur l’achat pur et simple du nom concurrent mais sur l’association des liens concurrentiels avec une requête.

SendInBlue nous donne un autre exemple en la matière :

En un coup d’œil, le client va avoir les informations principales qu’il recherche en souhaitant une comparaison, ce qui est l’objet de la recherche. C’est dans ce mécanisme que réside tout l’intérêt de l’achat d’un nom concurrent, qui va réellement venir vous procurez un avantage sans pour autant sortir des exigences de la jurisprudence du 5 mars 2015.

En effet, aucune confusion n’est portée par l’annonceur, il est identifiable et ne fait, en pratique, qu’exercer le grand principe de la liberté de concurrence.

Mais alors, comment se protéger de nos concurrents et maîtriser notre référencement ?

 

3. La protection de notre marque face au référencement

Il est important de préciser en guise de prolégomène qu’il n’existe pas de solution parfaite en réponse à ce type de comportement.

La solution qui peut s’avérer la plus efficace est de prendre contact directement avec votre concurrent et de soutenir l’impossibilité qu’il a d’exploiter votre nom. Cela ne peut fonctionner en outre que si l’entreprise confie sa gestion de ses campagnes Google Adwords à une agence. Bien que simple en apparence, cette technique s’avère réellement efficace en pratique.

En outre, vous pouvez acheter la marque de votre concurrent et « répondre à la force par la force ». Ceci doit être fait de manière stratégique et suppose que vous devez être plus performant en termes de communication que votre concurrent. Un simple échange d’achats de noms concurrents ne peut conduire qu’à une « course à l’armement » nécessairement dangereuse et stérile.

Deux moyens plus idoines peuvent alors s’offrir à vous pour protéger votre marque :

  • Acheter votre propre nom de marque sur Adwords

Cette technique ne permettra pas de supprimer l’annonce de votre concurrent mais d’être placé avant lui dans l’ordre des annonces. Il sera nécessaire de faire preuve des stratégies de communication précédemment citées afin d’assurer que le client ne se pose pas la question d’aller voir ce que fait la concurrence. Il faudra le conforter dans son choix et renforcer le côté émotionnel de sa recherche.

  • Inscrire votre marque sur une liste de « mots clés négatifs »

Pour éviter les manœuvres de concurrence parasitaire et d’e-réputation négative (web-réputation, cyber-réputation ou réputation numérique), vous avez intérêt à déclarer auprès de Google votre marque et / ou signe distinctif au titre des mots-clés négatifs. Cette revendication permet d’exclure la possibilité pour un concurrent ou des personnes malveillantes d’acheter comme mot-clé le nom d’une marque en vue d’apparaître dans les liens commerciaux lorsqu’un internaute tape ce nom (système Google Adwords).

En ce sens, une ordonnance de référé, rendu par le Tribunal de grande instance de Paris, en date du 17 septembre 2008, opposant deux sites de rencontres, a considéré qu’ « il n’est pas possible pour un commerçant de connaître toutes les marques détenues par ses concurrents et il appartient à ces derniers s’ils ne veulent pas que leurs signes servent à l’apparition de liens commerciaux en faveur d’autres personnes de les mettre eux-mêmes en mots clés négatifs, le titulaire d’une marque ayant une obligation de défense de cette dernière ».

En conséquence, la meilleure manière de voir ses marques et signes distinctifs protégés est de les déclarer explicitement au programme Google Adwords qui en tiendra compte.

Cette méthode bien que longue car nécessitant d’envisager l’intégralité de vos concurrents reste cependant un moyen efficace pour vous assurez la pleine jouissance de votre image en ligne.

 

Par Cédric Dubucq et Mathis Campestrin
Cédric Dubucq

Cédric Dubucq

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