Civ. 2e, 7 janvier 2016, n°14-24.508
Parmi l’abondance jurisprudentielle qui caractérise le droit des entreprises en difficulté, la Cour suprême a eu l’occasion de dénier au liquidateur le droit d’appréhender la partie saisissable des revenus que le débiteur a perçus pendant la procédure par une activité salariée.
Le jugement de liquidation judiciaire est reconnu comme une décision juridictionnelle de nature contentieuse, en ce qu’il produit ses effets sur les biens du débiteur dès sa date. Pour autant, le jugement qui prononce la liquidation ne constitue par un titre exécutoire, puisqu’on ne peut assimiler jugement et titre exécutoire.
Aussi, le liquidateur ne peut, sur le seul fondement du jugement de liquidation saisir cette part sans passer par la procédure spécifique de la saisie des rémunérations régies par le Code du travail, en son Article R. 3252-1.
En l’espèce, au cours d’une procédure de liquidation judiciaire, le liquidateur avait saisi le tribunal d’instance d’une requête tendant à saisir la rémunération que le débiteur continuait à percevoir. La Cour d’appel avait accueilli la demande, considérant que la rémunération était « réalisée par l’effet de la procédure de liquidation et du constat d’un état des créances, qui n’était pas contesté ».
L’arrêt fut cassé par la Cour de cassation, cette dernière estimant que le liquidateur « ne peut, sur le seul fondement du jugement ouvrant ou prononçant la liquidation judiciaire, qui ne constitue pas un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, faire procéder à la saisie des rémunérations du débiteur ».
Au plan théorique, cette restriction crée des « difficultés pratiques en ce qu’elle parait interdire au liquidateur d’appréhender les salaires du débiteur, qui, pour leur portion saisissable relèvent pourtant du gage commun des créanciers et qui, subissant l’effet réel de la procédure collective, devraient être regardés comme saisis par le simple effet de la procédure », selon le Professeur Pierre-Michel Le Corre[1].
Ne faudrait-il pas finalement limiter l’effectivité du jugement de liquidation judiciaire aux seuls biens du débiteur existant à la date du jugement ? Affaire à suivre…
[1] P-M. LE CORRE, Droit des entreprises en difficulté août 2015 – septembre 2016, Reccueil Dalloz 2016 .1894