Au mois de mai, la France a proposé la création de juridictions arbitrales d’exception européennes, au service des entreprises souhaitant contester des décisions d’Etats dans le cadre des négociations du Transatlantic Trade and Investment Partnership. C’est dans ce contexte qu’un arrêt de la Cour d’appel de Paris en date du 31 mars 2015 a pu ressortir en doctrine. Il définit quelques principes d’une juridiction parfois peu familière de notre droit dans le cadre d’un arbitrage commercial entre deux sociétés.
En l’espèce, des arbitres n’avaient pas rendu leur décision dans le délai conventionnellement établi. L’une des parties demandait alors la réparation de la perte de la chance de conserver le bénéfice de la réparation de son préjudice alloué dans la sentence, et de se faire également rembourser les frais d’arbitrage. Les arbitres se prévalaient d’une immunité juridictionnelle.
Cette espèce nous permet de se pencher sur la question de savoir comment la responsabilité des arbitres peut être engagée, dès lors qu’ils ne respecteraient pas un délai légal ou conventionnel pour rendre leur décision. Si l’engagement de la responsabilité est admis depuis un arrêt de la 1ère chambre civile du 6 décembre 2005, la Cour d’appel de Paris vient en donner un fondement en se positionnant pour une obligation de moyens incombant aux arbitres, et non de résultat, dans le respect du délai. Rappelons ici que l’article 1492-3 du Nouveau Code de procédure civile prévoit qu’une décision arbitrale rendue hors délai est nulle. Cependant, les arbitres devront tout faire pour éviter une telle situation afin de ne pas engager leur responsabilité. La mise à l’écart d’une obligation de résultat s’explique par le fait que le dépassement de ce délai n’est pas toujours imputable aux arbitres mais souvent, au contraire, à des manœuvres dilatoires de la partie défenderesse. Aussi en consacrant une obligation de moyens, les arbitres devront demander, si nécessaire, une prorogation du délai de manière conventionnelle, ou encore, à défaut, de manière judicaire. Dans ce dernier cas, les arbitres pourront soit demander à l’autre partie de saisir le juge de l’appui pour prononcer ladite prorogation, soit à défaut le saisir eux-mêmes.
La Cour d’appel de Paris rattache cette obligation des arbitres d’éviter le dépérissement du délai au contrat d’arbitrage. La question n’est pas sans importance : en effet, comme avait pu le prévoir la 1ère chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 15 janvier 2014, les arbitres bénéficient d’une immunité lorsque la faute relevée par les parties pour engager leur responsabilité est fondée sur la « remise en cause du contenu de la sentence ». En l’espèce était remis en question une erreur de calcul dans la décision des arbitres. Point sur lequel la Cour d’appel de Paris a reconnu leur immunité en ce que la question touchait au contenu de la sentence. Mais s’agissant du dépérissement du délai, il faut noter qu’il s’agissait d’un délai conventionnellement établi. La frontière est difficile à établir entre ce qui va relever de l’immunité (acte juridictionnel de l’arbitre), ou de l’engagement de la responsabilité de l’arbitre (acte en tant que prestataire de service dans un contrat d’arbitre). En effet, le respect d’un délai pour juger pourrait être rattaché à l’activité de juger. Toutefois, la Cour d’appel de Paris s’est positionnée sur le non respect de leurs obligations contractuelles par les arbitres, en affirmant que « leur abstention ne ressortissant pas à l’exercice de leur mission juridictionnelle, mais relevant de l’inexécution du contrat d’arbitre, les arbitres ne peuvent exciper d’une immunité juridictionnelle ».