Le « whistleblower » est celui qui donne un coup de sifflet (to blow a whistle), c’est-à-dire celui qui révèle un dysfonctionnement grave qui a lieu au sein d’une organisation.
Le droit d’alerte reconnu par la loi Sapin 2 n’est pas une obligation, mais une faculté́ offerte à tout citoyen (ou tout agent public ou tout salarié) d’exercer librement sa responsabilité́.
Quels avantages pour l’administration fiscale ?
Chaque année en France, ce sont des milliards d’euros qui font l’objet d’évasion fiscale. Selon le gouvernement français, les estimations du manque à gagner lié à la fraude pour l’administration fiscale (AF), varient entre 25 et 100 milliards d’euros par an pour la France.
Aussi appelé les « indics » du fisc, les lanceurs d’alerte renseignent l’AF et l’aident ainsi à réduire son écart fiscal tenant à la fraude. Ils permettent la révélation de failles et dysfonctionnements de l’État, de l’économie, du système politique et financier, et ont à ce jour déjà permis un recouvrement considérable de fonds publics. Ce serait en effet près de 8 à 10 milliards d’euros recouvrés chaque année grâce à ces informateurs.
Comment lancer l’alerte ?
L’alerte doit être établie sur des éléments factuels. Il est donc nécessaire de réunir des preuves (courriers, rapports, documents comptables) et témoignages afin de constituer un dossier.
Une procédure d’alerte graduée obligatoire a été instaurée par la loi Sapin 2 ; La protection de l’informateur dépend notamment du respect de cette procédure, sauf en cas de signalement d’un danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages irréversibles.
Les agents publics et les salariés du privé doivent saisir en premier lieu un supérieur hiérarchique direct ou indirect, l’employeur ou le référent désigné par l’employeur. Si dans un délai raisonnable, l’alerte n’a pas été traitée par la voie interne, le lanceur d’alerte peut en informer l’administration.
A toute étape de l’alerte, le lanceur peut également s’adresser au Défenseur des droits, autorité administrative indépendante, chargé de la nouvelle mission d’orienter et protéger les lanceurs d’alerte.
Quels risques ?
Vaut-il mieux résister ou collaborer ? La question de la délation est aujourd’hui au cœur du débat. Des courriers animés par un esprit de vengeance sont reçus quotidiennement par l’AF. Pour certains, l’idée d’une rémunération des lanceurs d’alerte aggraverait ce phénomène car ferait de la violation du secret un but en soi. En effet, les lanceurs d’alerte, en révélant de telles informations, violent très souvent leur secret professionnel.
Toutefois, la réalité est telle que les lanceurs d’alerte font généralement l’objet de mesure de rétorsion ou de représailles. Pour illustration, l’affaire EY qui a récemment défrayé la chronique ; la justice britannique vient de condamner le géant de l’audit financier à verser 10,8 millions de dollars de dommages-intérêts à un salarié licencié pour avoir alerté les associés d’un soupçon de fraude fiscale exercée par l’un de leurs clients.
Certains indics sont parfois même condamnés par la justice. À titre d’exemple, Antoine Deltour et Raphaël Halet, lanceurs d’alerte à l’origine de l’affaire Luxleaks ont été condamnés en juin 2016, par le tribunal du Luxembourg respectivement à 12 et 9 mois de prison avec sursis et à 1 500 et 1 000€ d’amende. Cette peine avait été réduite à 1000€ d’amende par la Cour d’appel du Luxembourge en 2017.
Quelles protections et garanties ?
Dans un contexte de multiplication des alertes, l’État français se doit de faire évoluer la législation afin d’encourager la dénonciation, outil indispensable pour limiter la fraude fiscale qui devient de plus en plus difficile à appréhender.
La loi SAPIN 2 du 9 décembre 2016 définit désormais le lanceur d’alerte comme une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi un crime, un délit ou une violation. La définition ne se limite ainsi plus au cadre du travail, et la loi prévoit une irresponsabilité pénale pour les secrets protégés par la loi.
Toutefois, la loi Sapin 2 exclut de la définition les lanceurs d’alerte « signalant ou révélant les faits, informations ou documents, quel que soit leur forme ou leur support, couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client ».
La loi de finance pour 2017 a mis en place à compter du 1er janvier 2017 un système d’indemnisation des lanceurs d’alerte à titre expérimental pendant 2 ans. Le lanceur d’alerte est ici entendu comme toute personne étrangère aux administrations publiques. Selon le décret d’application du 21 avril 2017, l’indemnisation est versée au lanceur d’alerte par le Direction générale des finances publique (DGFiP).
De plus, le licenciement d’un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions, et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, est frappé de nullité. Dans un arrêt du 30 juin 2016, la chambre sociale de la Cour de cassation a affirmé que le fait pour un salarié de bonne foi de porter à la connaissance d’une autorité des faits concernant l’entreprise qui lui paraissent anormaux ne constitue pas une faute en soi.
Le licenciement se trouve dès lors frappé de nullité en raison de la violation de la liberté d’expression posée à l’article 10 de la CESDH. La chambre sociale s’appuie sur une décision de la CEDH, l’affaire Guya contre Moldova de 2008, dans laquelle la Cour européenne avait fait droit à la demande de réintégration professionnelle du requérant sur le fondement de l’atteinte disproportionnée à la liberté d’expression.
L’idée d’une rémunération des lanceurs d’alerte est ainsi en train de mûrir en France bien que la rémunération en échange de renseignements soit initialement une idée étrangère à la tradition française. Ces évolutions marquent ainsi un coup d’accélérateur à la lutte contre la fraude fiscale, les lanceurs d’alerte étant devenus un atout indéniable au service de l’AF.
Si vous souhaitez en savoir plus sur les lanceurs d’alerte, ou même dénoncer vous-même une pratique que vous considérez comme contraire à l’intérêt général, il est conseillé de vous entourer de conseillers juridiques à même de vous informer de vos droits et obligations, et de vous aider à mener à bien votre démarche.
Le cabinet d’avocats Bruzzo-Dubucq apporte une connaissance aiguisée des lois en vigueur et des institutions compétentes afin de constituer un dossier et une stratégie permettant de s’adapter à chaque cas particulier.
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