Com, 21 juin 2016 (n°14-29.874)
Comme le disait E. Gaudemet, la réparation du préjudice a pour objectif « simplement de remettre les choses dans le même état que si le contrat n’avait jamais été proposé ». C’est ce que nous rappelle cet arrêt récent de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, qui limite l’étendue du préjudice réparable de la victime du dol.
Des époux avaient cédé à une société l’intégralité des actions qu’ils détenaient au sein d’une autre société. Dans l’acte de cession, ils avaient clairement indiqué ne pas avoir connaissance d’un évènement pouvant avoir un effet défavorable sur la situation, l’activité ou le fonctionnement de la société. Cependant, après la conclusion du contrat, le cessionnaire a appris l’existence d’un projet d’implantation à proximité d’une enseigne concurrente. Elle a alors assigné les cédants en dommages-intérêts. Les juges du fond font droit à la demande du cessionnaire en relevant que les époux avaient commis un dol par réticence.
Se posait alors la question de l’étendue du préjudice réparable du cessionnaire. Les juges du fond avaient condamné les époux à réparer les pertes subies et le gain manqué sur les exercices ayant suivi l’ouverture du magasin, ce que les époux contestent.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel. Elle estime qu’étant donné que la société cessionnaire a « fait le choix de ne pas demander l’annulation du contrat à la suite du dol dont elle avait été victime, son préjudice réparable correspondait uniquement à la perte d’une chance d’avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses, ou de ne pas contracter. »
Il s’agit du même attendu de principe que celui du célèbre arrêt Parsys, rendu le 10 juillet 2012 par la Chambre commerciale. Celui-ci avait affirmé que, dès lors que le cessionnaire a fait le choix de ne pas demander l’annulation du contrat conclu avec l’auteur du dol, il ne peut pas demander la réparation de la perte d’une chance de réaliser une opération plus profitable avec autrui.
Ainsi, les juges de la Haute Cour restreignent encore l’étendue du préjudice réparable lorsque la victime du dol ne demande pas l’annulation du contrat mais seulement des dommages-intérêts. On ne peut que valider cette décision. En effet, si le contrat n’avait jamais été proposé aux parties, rien ne permet d’affirmer que la société cessionnaire aurait pu réaliser le gain dont elle estime avoir été privée. Dès lors, il paraît normal que le gain manqué ne puisse être réparé.