Si le principe de la force obligatoire du contrat, posé jusqu’à la réforme par l’alinéa premier de l’article 1134 du Code civil, en vertu duquel « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites », apparait depuis bien des années comme l’une des articulations essentielles du droit contractuel, il n’en demeure pas moins vrai que le juge et le législateur, forts de leur volonté de faire cesser toute atteinte à l’exécution de bonne foi du contrat, sont intervenus afin de voir reconnaitre à l’égard du cocontractant des moyens d’action opposables à celui se soustrayant à ses obligations. Parmi ceux-ci, on peut citer la résolution unilatérale du contrat, qui se définit comme l’anéantissement rétroactif du contrat par le cocontractant lésé par l’inexécution, par l’une des parties, de ses obligations.
Outre les cas où elle est prononcée par le juge, ou encore mise en œuvre par le biais d’une clause résolutoire insérée dans le contrat, donnant à la résolution du contrat un caractère conventionnel, le droit reconnait aussi au contractant lésé, pour éviter une certaine inertie des juges en l’absence de dispositions contractuelles particulières, la possibilité de résoudre unilatéralement et à ses risques et périls le contrat.
Ainsi, si « les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise » (Code civil, article 1193), l’arrêt Tocqueville du 13 octobre 1998 retient que, par dérogation au caractère judiciaire de la résolution et hormis les cas où une clause résolutoire est prévue, « la gravité du comportement d’une partie à un contrat peut justifier que l’autre partie y mettre fin de façon unilatérale à ses risques et périls ». En ces termes, le juge reconnait bel et bien le droit pour une des parties au contrat d’y mettre fin de manière unilatérale mais à ses risques et périls, consacrant à cet égard une entorse franche et claire à la force obligatoire du contrat.
Si la jurisprudence soutient que la résolution unilatérale peut être réclamée dans un contrat à durée déterminée comme dans un contrat à durée indéterminée, celle-ci reste muette du point de vue de la distinction entre contrats synallagmatiques et unilatéraux. C’est le législateur qui sur ce point est intervenu en disposant que la résolution peut porter sur des contrats synallagmatiques parfaits ou non, mais également sur des contrats unilatéraux comme le prêt à intérêts (art. 1912 du Code civil).
S’il apparait dès lors que le champ d’application du processus de résolution unilatérale est très large et n’est entravé que dans des cas particuliers (par exemple en matière de rente viagère, où la résolution est interdite en raison du caractère aléatoire du contrat, art. 1978 du Code civil), des conditions restent toutefois nécessaires à la mise en œuvre dudit processus, afin d’éviter un détournement de cette méthode, qui n’a originellement pour but que de sanctionner l’inexécution du contrat.
Il faut tout d’abord un comportement grave de la part du débiteur. Si cette notion de gravité semble floue, c’est la jurisprudence qui, pas à pas, est venue dessiner ses frontières, exposant les hypothèses acceptables. Ainsi, on peut de manière générale considérer un comportement comme grave lorsqu’il y a inexécution d’une obligation essentielle du contrat et ici, la gravité du comportement se confond avec la gravité de l’inexécution de l’obligation. La gravité du comportement peut être entendue plus largement comme le manquement à l’obligation d’exécution de bonne foi du contrat. La résolution unilatérale va alors pouvoir être invoquée lorsque l’on cherche à condamner un comportement particulièrement répréhensible et parfois nuisible.
Il faut ensuite une information du débiteur. La jurisprudence ne semble pas exiger une mise en demeure de la part du créancier. Toutefois, il semblerait qu’il faille au moins que le créancier notifie le débiteur sa décision de résoudre unilatéralement le contrat.
Si ces deux conditions sont réunies, la résolution unilatérale emportera les mêmes effets que la résolution judiciaire et que la clause résolutoire. Elle va entrainer l’anéantissement rétroactif du contrat.
Il existe en revanche une exception à l’anéantissement rétroactif du contrat résultant de la résolution ; elle concerne les contrats à exécutions successives (CDI ou CDD). Ces derniers ne sont pas anéantis de manière rétroactive mais uniquement pour l’avenir. La résolution unilatérale des contrats à exécution successives apparait dès lors comme une résiliation.
Enfin, rappelons que le créancier qui rompt le contrat sans autorisation du juge le fait à ses risques et périls. Cela veut dire que le juge n’est pas totalement absent du mécanisme de résolution unilatérale. Le juge peut être saisi par le débiteur a posteriori qui va contester soit les conditions de mise en oeuvre de la résolution, soit les effets de ladite résolution.
Soit les juges considèrent que les conditions de mise en oeuvre sont remplies alors le contrat est résolu. En revanche, dans le cas inverse, le contrat est maintenu et le créancier sera condamné à payer des dommages et intérêts au débiteur.
Cette méthode, potentiellement désastreuse pour la personne mettant en oeuvre le mécanisme de la résolution unilatérale du contrat, est souvent retenue dans le cadre des contrats de travail, et ce en cas de manquement de l’employeur à ses obligations, lorsque la situation est telle que le salarié n’est plus en mesure d’exécuter dans des conditions normales sa prestation.