Une ICO ou Initial Coin Offering est une méthode de levée de fonds en cryptomonnaies, certes attractive mais risquée, car dépourvue à l’heure actuelle de toute réglementation juridique.
Doit-on rattacher une telle opération à une offre au public de titres financiers ou à un financement participatif en titres ? Ne devrait-on pas plutôt l’assimiler à un placement collectif qu’à une intermédiation en bien divers ? Voici les questions que se posent l’Autorité des Marchés Financiers. Pour tenter d’y répondre, l’autorité a présenté une consultation publique baptisée opération UNICORN, pour recueillir l’avis des parties prenantes afin de trouver des hypothèses d’encadrement de ce nouveau financement.
En effet, la difficulté vient du fait que les ICO ne se rattachent à aucune qualification juridique française, ce qui oblige l’Autorité des marchés financiers à en trouver une nouvelle, sans pour autant risquer une sur-protection des investisseurs et un effondrement du marché.
D’autant plus que l’AMF ne peut s’appuyer sur l’un de ses homologues européens ou mondiaux, si ce n’est la Russie qui, le 28 décembre dernier, a dévoilé ses propositions sur la réglementation des ICO comprenant, notamment, un montant maximum qui puisse être levé et une limite d’investissement pour les acteurs du secteur. Les ICO font donc débat au niveau international.
Au travers de sa consultation publique sur les ICO, l’AMF fait le constat que la grande majorité des offres de financement actuelles ne font l’objet d’aucune réglementation. Dès lors, l’autorité se propose de donner trois solutions alternatives à ce vide juridique, solutions assorties de questions auxquelles les parties prenantes sont invitées à répondre.
Les options de régulation des ICOs envisagées par l’AMF
La première option consisterait en un statu quo réglementaire et la définition de bonnes pratiques. L’idée sous-jacente est d’établir un socle commun de bonne pratiques sur le marché, afin de construire un label de qualité pour certaines ICOs. Ces bonnes pratiques seraient instituées via un document d’information fourni à chaque souscripteur potentiel. L’AMF s’efforce de cibler certains objectifs sur ce marché comme son organisation et son contrôle mais aussi l’identification de ses acteurs, leur prévention et leur information.
Bien qu’enthousiaste, l’AMF met en avant les risques d’une telle conduite qui aboutirait à réglementer une minorité seulement des ICOs actuellement mises en oeuvre, laissant la majorité des autres libres de tout cadre juridique.
L’Autorité propose également en seconde option de conserver l’existant tout en l’adaptant et en le faisant évoluer aux nouveaux enjeux et risques dont témoignent les ICOs. Dans un tel cas, les ICOs seraient fortement encadrées et soumise à une réglementation dite « prospectus ». Les prospectus sont des documents juridiques que les entreprises publient à l’attention des investisseurs potentiels. Déjà applicables aux offres au public, on peut se demander la compatibilité de cette option avec les exigences de souplesse et de rapidité des ICOs.
La troisième option porterait sur l’adoption d’une législation nouvelle encadrant spécifiquement les ICOs inspirée de la réglementation de l’intermédiation en bien divers. Dit autrement, les ICOs fonctionneraient sur un régime d’autorisation préalable spécifique, le cas étant, qu’en l’absence d’autorisation, les offres ne seraient pas interdites mais contenant obligatoirement une mise en garde pour l’investisseur. Un tel dispositif permettrait potentiellement un assainissement du marché et une attraction des projets de bonne qualité en France.
Les réponses fournies par les parties prenantes à des opérations ICOs
Suite à la consultation publique de l’AMF, ouverte du 26 octobre au 22 décembre 2017, plusieurs réponses ont émergé permettant ainsi d’entrevoir l’horizon juridique prochain de ces nouveaux investissements.
Le 7 décembre 2017, une conférence Chaineum, ICO-Paris #2 réservée aux investisseurs et conseils en investissement s’est tenue pour discuter de la stratégie ICO et tokenisation et présenter les opérations initiée par Chaineium, la première « ICO Boutique » française.
Le 13 décembre 2017, la Chaintech, association blockchain francophone dévoilait dans un communiqué ses premières positions. Selon elle, la statut quo réglementaire n’est pas satisfaisant car
« inefficace pour lutter contre certaines pratiques » et « l’écosystème ne contient pas encore d’acteur légitime pour publier un guide des bonnes pratiques ». Elle considère la directive Prospectus comme incompatible avec les caractéristiques ICOs, mais en revanche, soutient la solution d’un régime d’autorisation préalable optionnelle en considérant que cette formule est la plus sérieuse et viable au niveau européen et mondial pour des investissements type ICOs.
Le 6 janvier 2018, Crytpo4all a répondu présent aux questions posées par l’AMF en présentant une synthèse de ses positions. Il ressort de celle-ci, la volonté d’une qualification juridique des ICOs distincte de la qualification de titres financiers et la préconisation d’un système déclaratif.
« permettant de responsabiliser les initiateurs et de conserver les principaux atouts de ce nouveau moyen de financement : rapidité, flexibilité, et coût compétitif ». Il apparaît aussi le besoin d’un code de déontologie applicable aux professionnels, code mis en place à l’échelle de l’Union européenne pour éviter tout risque de dumping.
Le 8 janvier 2018, Jean-David Chamboredon, co-président de France Digitale et Alexandre Stachtchenko, président de la Chaintech démontrait l’absence jusqu’à aujourd’hui de réglementation durable des ICOs. Selon eux, l’AMF a tout à gagner car « il est temps qu’un régulateur mondial prenne position et indique le nord au reste de la finance mondiale. L’AMF doit se saisir de cette opportunité pour placer la France au coeur du nouveau monde financier que font naître les cryptomonnaies… ».
Le ton est donc donné, place au choix que fera l’AMF dans la réglementation des ICOs, pour assurer aux investisseurs et au marché, sécurité, rapidité et pérennité.