Le droit français considère que le droit de propriété est le droit réel le plus complet : il contient toutes les prérogatives qu’un sujet de droit peut avoir sur une chose. En tant que droit réel, il est également opposable à tous.
La notion de propriété est le pur produit d’une évolution historique. Les propos de portalis, dans l’exposé des motifs du projet de loi, relatif à la propriété viennent le confirmer : « si nous découvrons le berceau des nations, nous demeurons convaincus qu’il y a des propriétaires depuis qu’il y a des hommes ».
Tous les historiens s’accordent à dire que l’on trouve les prémices de la propriété en 2500 avant JC, où apparait le découpage des terrains en champs individuels, puis se retrouve dans l’Antiquité où les sociétés primitives connaissent déjà la propriété individuelle sur les meubles, alors que le sol reste la propriété de la tribu, du groupe.
La conception de la propriété de l’Ancien droit est radicalement différente. La propriété foncière démembrée est alors divisée en deux droits : le domaine éminent appartient au suzerain, tandis que le tenancier, en échange du paiement du cens, bénéficie du domaine utile. Mais rapidement, la propriété utile se renforce et devint héréditaire, tandis que la propriété éminente ne fût qu’un simple attribut de souveraineté.
Dès la nuit du 4 août 1789, la propriété à « double-face » est abandonnée, pour préférer une propriété absolue et exclusive. C’est ainsi que, sous la Révolution, l’article 2 de la DDHC en a fait un des droits naturels ou imprescriptibles de l’homme, au même titre que la liberté ou la sûreté. L’article 17, également, l’a considéré comme un droit inviolable et sacré. De plus, la DDHC faisant partie du bloc de constitutionnalité, ces textes ont une valeur constitutionnelle. Un arrêt de la Cour de cassation du 4 janvier 1995 l’a réaffirmé.
Plus tard, dans le droit français, l’article 34 de la Constitution de 1958 précisera son domaine en disposant que c’est la loi et non le règlement qui détermine les principes fondamentaux du régime de la propriété.
Si le droit de propriété fait, semble-t-il, l’objet d’une protection toute particulière en droit interne, il en est de même en droit international. Ainsi, l’article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales de 1950, ajouté à la Convention européenne des droits de l’homme au titre du droit et du respect de ses biens, retient que « Nul ne peut être contraint de céder sa propriété si ce n’est pour cause d’utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité ». Cette disposition est une garantie relative au droit de propriété.
Sur cet article, sont portées l’attention nationale et internationale. Le Code civil le mentionne aux articles 544 à 577. C’est l’un des rares droits définis par le législateur, comme étant le « droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ». C’est en d’autres termes le droit de faire ce que l’on veut de sa chose, sous réserve d’une restriction légale. Les rédacteurs du Code civil avait une vision très individualiste du droit de propriété, ils ne se sont pas intéressés à la propriété collective.
Depuis, il y a eu des évolutions qui ont exigé que des modifications soient parfois apportées : d’autres intérêts peuvent être pris en compte et justifient certaines restrictions.
Toutefois, le droit de propriété « à la française » reste un modèle attractif, dans le sens où il s’étend à de nouveaux domaines (ex : droits intellectuels). Ce sont des droits de propriété et pas simplement un monopole d’exploitation. Le modèle est utilisé pour le droit d’auteur.
Le droit de propriété est le droit patrimonial subjectif par excellence. Comme tout droit patrimonial, il a une valeur pécuniaire et peut faire l’objet d’échanges économiques. La plupart des choses qui existent peuvent faire l’objet d’un droit de propriété, sachant que le propriétaire peut être une personne physique ou une personne morale privé ou publique (Etat, collectivités territoriales).
Un bien n’a d’intérêt pour une personne que s’il peut être approprié. Mais il existe des choses non appropriées parce qu’elles ne peuvent pas être appropriables. On les appelle les choses communes, parmi lesquelles l’air, l’eau, la mer. Elles ne peuvent pas faire l’objet d’un droit de propriété. Elles n’appartiennent à personne parce qu’il faut que l’usage en soit commun à tous.
Il y a aussi des choses non appropriées qui sont susceptibles d’appropriation. Ce sont les choses sans maître ou encore des res nullus. Parfois, le propriétaire s’est en effet dessaisi de la chose ou celle-ci peut avoir été abandonnée. Il ne faut pas confondre avec la chose perdue ou volée. L’article 713 du Code civil retient à ce titre que les biens qui n’ont pas de maîtres appartiennent à la commune sur le territoire de laquelle ils sont situés. Ces textes concernent les biens immobiliers. Un immeuble ne peut pas rester sans maître, c’est l’Etat qui acquiert un droit de propriété sur la chose. Si la commune refuse d’exercer ses droits sur ce bien, c’est l’Etat, en dernier lieu qui en devient propriétaire. La loi va remettre au propriétaire des prérogatives sur son bien, la chose qui a été appropriée.
C’est à l’époque de Justinien que le droit romain a consacré les pleins pouvoirs du propriétaire sur la chose, en lui conférant trois attributs sur cette dernière. A la lecture de l’article 544 du Code civil, seuls deux des trois prérogatives du droit de propriété apparaissent : le fait de pouvoir jouir d’une chose (jus fruendi) qui constitue le fructus, et le droit de pouvoir disposer des choses (jus abutendi), qui constitue l’abusus.
Toutefois, et ce malgré qu’il ne soit expressément visé dans les textes, une troisième prérogative de droit romain existe : c’est le droit d’user du bien (jus utendi), aussi appelé l’usus.
Le droit d’usage, ou usus, et le droit pour le propriétaire de se servir directement de son bien, de l’utiliser conformément à sa nature.
En corollaire, le droit d’usage est aussi le droit de ne pas user de son bien (ex : un propriétaire a le droit de laisser à l’abandon son bien). Le non-usage d’un bien ne fait pas perdre le droit de propriété sur la chose. Le droit de propriété est un droit perpétuel.
Toutefois, l’usus varie en fonction de la nature des biens, certains n’étant pas susceptibles d’usage. L’usage est en effet un acte concret qui laisse penser que les biens incorporels ou immatériels ne puissent en faire l’objet. Il n’est alors concevable que d’en retirer revenus ou de les aliéner. De même, tandis que l’usus est perpétuel sur les choses non-consomptibles, il se confond avec l’abusus dans le cadre de choses consomptibles.
Si l’inaction du propriétaire n’a en principe pas de sanction, dès lors qu’il n’y a pas de prescription extinctive du droit de propriété qui s’appliquerait pour non-usage du bien, il existe tout de même un risque : un tiers peut s’intéresser à la chose et user de la chose en effectuant des actes de possession puis obtenir une prescription acquisitive du droit de propriété.
Le fructus, ou droit de jouissance, est le droit qu’a un propriétaire de percevoir à la fois les fruits de sa chose mais aussi les produits de sa chose. Le fructus permet au propriétaire de tirer profit de son bien, à la fois percevoir les fruits de la chose, mais aussi les produits de la chose.
Par « fruits », on entend tout ce que la chose va produire périodiquement sans en modifier la substance. Selon l’article 582, il y a divers sortes de fruits: les fruits naturels, à savoir ceux qui proviennent directement de la chose sans intervention de l’Homme, par exemple une pomme, les fruits industriels, qui sont obtenus par la culture ou l’industrie des hommes, comme les récoltes, ainsi que les fruits civils, qui sont ceux que l’on retire d’un bien par l’intermédiaire d’un contrat, par exemple le loyer d’un contrat de bail.
Par produits, on entend tout ce qui provient de la chose sans répondre à un quelconque souci de périodicité, et qui ont le désavantage d’altérer la substance du bien sur lequel ils portent.
Dans certains cas, le droit fait une distinction entre les fruits de la chose et les produits. La distinction est utile lorsque l’on étudie le cas de l’usufruit. L’usufruitier ne sera autorisé qu’à percevoir les fruits de la chose (mais il sera le seul à les percevoir), le nu propriétaire sera autorisé à percevoir les produits de la chose.
Comme l’usus, le fructus varie selon l’objet sur lequel il porte, tous les objets n’étant pas frugifères. A l’inverse, d’autres biens, à savoir tous ceux qui n’ont qu’une valeur de placement, ont pour seule vocation de sécréter des fruits. Tel est l’exemple des valeurs mobilières.
Négativement, le fructus est aussi le droit de ne pas percevoir les fruits et les produits de la chose, ou même de ne pas faire des actes juridiques ou matériels (culture de la terre) permettant au titulaire d’obtenir certains fruits.
Aussi, plus récemment, la Cour de cassation est allée plus loin dans un arrêt du 10 mars 1999, retenant que jouir de sa chose, c’est encore s’opposer à sa reproduction photographique, notamment à des fins commerciales.
Enfin, composante essentielle du droit de propriété, le droit de disposer de la chose est garanti par la Constitution: une loi ne pourrait être contraire à la libre-disposition de son bien par tout propriétaire. Toutefois, dans une décision de 1986, le Conseil constitutionnel a retenu qu’une loi ne remet pas en cause le droit de propriété lorsqu’elle « définit une limitation à certaines modalités de son exercice qui n’a pas un caractère de gravité tel que l’atteinte qui en résulte en dénature le sens et la portée ».
Le propriétaire a, tout d’abord, la disposition physique de la chose. Il peut faire tous les actes matériels qui correspondent à son droit d’usage, faire exécuter tous travaux, abattre les arbres, raser les constructions qui existent etc. Il peut transformer la substance de la chose et même la détruire.
Cette faculté distingue le propriétaire de tous les autres titulaires de droits réels, ces derniers pouvant jouir de la chose d’autrui mais toujours à la charge d’en conserver la substance, notamment dans le cadre de l’usufruit, article 578.
Des nécessités d’intérêt public peuvent cependant fonder des restrictions plus ou moins fortes au droit, reconnu au propriétaire, de détruire la chose qui lui appartient. Ainsi, « les monuments naturels ou les sites classés ne peuvent ni être détruits, ni être modifiés dans leur état ou leur aspect sauf autorisation spéciale », conformément à l’article L. 341-10 du Code de l’environnement.
Les manifestations du pouvoir de disposition juridique sont quant à elles assez diverses, à commencer par la disposition à cause de mort : il arrive souvent que le propriétaire décide du sort de son bien pour le temps qui suivra son décès, par voie de disposition à cause de mort. Aux termes de l’article 895 du Code civil, « le testament est un acte par lequel le testateur dispose, pour le temps où il n’existera plus, de tout ou partie de ses biens et qu’il peut révoquer ». Mais le propriétaire d’une chose peut aussi disposer de son bien en l’abandonnant, par déguerpissement. Il se peut toutefois que des considérations d’intérêt général empêchent d’abandonner n’importe où et n’importe comment ce dont on ne veut plus. Enfin, le propriétaire peut transférer à autrui, en partie ou en totalité, le droit de jouissance et de consommation qui lui appartient sur la chose. S’il concède seulement un droit de jouissance sur sa chose, il démembre sa propriété ; il crée sur sa chose un droit réel d’usufruit, d’emphytéose, de servitude. Si, au contraire, il transmet la totalité de son droit, il aliène la chose. Il fait alors un acte translatif de propriété.
Ces différents actes juridiques ne sont pas effectués sur la chose elle-même, mais sur les droits du propriétaire. En lui-même en effet, le droit de propriété n’autorise que les actes matériels de jouissance ou de consommation qui, seuls, forment l’objet du droit. Les actes juridiques se bornent à opérer le déplacement total ou partiel de ce droit d’user de la chose. Cette possibilité de disposer juridiquement du bien n’est d’ailleurs, contrairement à la disposition physique, nullement caractéristique de la propriété, le caractère de cessibilité étant commun à la plupart des droits réels.