Cass. 3e civ., 15 sept. 2016, nº 15-15.172, P+B
L’article 1844 du Code civil prévoit que « tout associé a le droit de participer aux décisions collectives ». Il s’agit d’une règle d’ordre public : les statuts ne peuvent déroger à ces dispositions (Com, 9 février 1999).
Participation des associés aux décisions collectives
La question s’était posée de la participation des associés aux décisions collectives en cas de démembrement de parts sociales. En effet, dans cette hypothèse, l’alinéa 3 de l’article 1844 du Code civil ne s’intéresse qu’au droit de vote. Il précise que le droit de vote appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions concernant l’affectation des bénéfices, où il est réservé à l’usufruitier.
La Cour de cassation avait alors procédé à une distinction entre le droit de vote et le droit de participation. Dans un arrêt rendu le 4 janvier 1994, la Chambre commerciale a érigé un principe selon lequel le nu-propriétaire, en sa qualité d’associé, pouvait participer à toutes les assemblées, même celles dans lesquelles le droit de vote est exercé par l’usufruitier.
Ce droit de participation est d’ordre public : il ne peut pas être écarté par une clause statutaire contraire. Ainsi, la clause des statuts selon laquelle l’usufruitier représente le nu-propriétaire pour toutes les décisions sociales, quel qu’en soit l’objet, n’est pas valable en ce qu’elle interdit l’accès du nu-propriétaire à l’assemblée (Cass. 2ème civ, 13 juillet 2005).
Mais l’usufruitier a-t-il, de la même façon, le droit de participer à toutes décisions collectives, y compris celles dans lesquelles le droit de vote est exercé par le nu-propriétaire ? La 3ème chambre civile de la Cour de cassation a tranché cette question, dans un arrêt rendu le 15 septembre 2016.
En l’espèce, le nu-propriétaire de parts sociales d’une société civile immobilière (SCI) avait assigné les autres nu-propriétaires en nullité d’une assemblée générale, au motif que l’usufruitière de ses parts n’avait pas été convoquée à cette assemblée.
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans un arrêt rendu le 22 janvier 2015, rejette sa demande en nullité. Le nu-propriétaire se pourvoit alors en cassation. Il soutient dans son pourvoi que le droit de vote ne se confond pas avec le droit de participer aux décisions collectives d’une assemblée générale. Dès lors, il estime que si la qualité d’usufruitier empêche de prendre part aux votes relatifs à la vente de l’immeuble objet de la SCI, cette qualité d’usufruitier ne saurait exclure le droit qu’a l’usufruitier de participer aux décisions collectives. Ainsi, l’usufruitière aurait dû être convoquée à l’assemblée générale.
Cette argumentation est rejetée par la Cour de cassation qui fait une application stricte de l’article 1844 du code civil : l’assemblée générale litigieuse ayant pour objet des décisions collectives autres que celles qui concernent l’affectation des bénéfices, celle-ci ne saurait être annulée au motif que l’usufruitier n’avait pas été convoqué.
On voit donc qu’il n’existe pas de symétrie entre le droit de participation de l’usufruitier et de celui du nu-propriétaire. Sans doute cette différence tient-elle à la qualité d’associé. En effet, la participation aux décisions collectives est subordonnée à cette qualité.
Or, s’il ne fait pas de doute que le nu-propriétaire dispose de la qualité d’associé, la question reste à ce jour incertaine s’agissant de l’usufruitier. La jurisprudence est hésitante au sein même de la Cour de cassation : si la chambre civile a refusé de reconnaître la qualité d’associé à un usufruitier (Civ. 3°, 29 novembre 2006), la chambre commerciale, infirmant un arrêt d’appel, a semblé lui accorder cette qualité (Com. 2 décembre 2008), avant de se limiter un simple rapprochement (Com, 10 février 2009, n° 07-21.806 et n° 07-21.807).