En vertu de l’article L. 225-38 du Code de commerce, la conclusion d’une convention entre une société anonyme et l’un de ses mandataires sociaux est subordonnée à l’autorisation préalable du conseil d’administration (ou de surveillance) et à l’approbation de l’assemblée générale des associés. L’absence d’une telle autorisation peut conduire à l’annulation de cette convention, dès lors qu’elle a entraîné des conséquences dommageables pour la société (article L. 225-42 du Code de commerce).
Cette procédure contraignante soulève une problématique intéressante : la convention est-elle annulable lorsqu’elle a été conclue avant que le cocontractant n’acquière la qualité de mandataire social dans le but d’éluder la procédure de contrôle des conventions réglementées ? La Cour de cassation a été amenée à répondre à cette question dans un arrêt du 5 janvier 2016 (n°14-18.688) à propos d’un avenant à un contrat de travail conclu entre une société anonyme et son futur dirigeant.
La possibilité affirmée d’annuler une convention passée en fraude de la procédure de contrôle des conventions réglementées
Même si de précédentes décisions jurisprudentielles ont déjà fait référence à la fraude (définie par François Terré comme la volonté de contourner l’application d’une règle obligatoire en se plaçant artificiellement, grâce à un procédé efficace, hors de son champ d’application), il s’agit de la première fois que la Cour de cassation pose expressément le principe selon lequel une convention conclue entre une société anonyme et son dirigeant peut être annulée dès lors qu’elle est entachée de fraude pour avoir été conclue dans le dessein d’éluder l’application de la procédure de contrôle réservée aux conventions réglementées. En effet, l’arrêt d’espèce a approuvé les juges du fond d’avoir caractérisé la fraude en retenant que la convention passée entre la société et l’intéressé avait été conclue peu avant sa nomination aux fonctions d’administrateur et de directeur général, avait été antidatée et n’avait été soumise ni à l’autorisation du conseil d’administration ni à l’approbation de l’assemblée générale. Ainsi, il en résultait que l’avenant au contrat de travail, qui assurait à l’intéressé une indemnité en cas de licenciement, était intervenu en fraude des dispositions légales et pouvait en conséquence être annulé.
Une application de l’adage fraus omnia corrumpit au droit des sociétés ?
Cet arrêt constitue une illustration pertinente de la théorie de la fraude à la loi en droit des sociétés. Cependant, la fraude ne suffit pas à provoquer l’annulation de la convention. En effet, encore faut-il que la convention frauduleuse emporte des conséquences dommageables pour la société, selon les dispositions du Code de commerce. En l’espèce, il a bien été démontré que l’avenant en question avait suscité un important contentieux entre les parties et qu’ainsi il avait eu pour effet de causer un dommage à la société.
Par conséquent, il résulte de cette décision que même si le caractère frauduleux d’une convention est établi, l’action en nullité demeure soumise au régime défini par le Code de commerce en matière de conventions réglementées. Il est donc possible de conclure qu’une telle convention frauduleuse ne peut être annulée que dans l’hypothèse où elle aurait causé un préjudice à la société.