24 avril 2017

La mésentente entre dirigeants peut justifier la nomination d’un administrateur provisoire

La chambre commerciale de la Cour de cassation a récemment statué, dans un arrêt en date du 8 novembre 2016  (n°14-21.481), sur les conséquences d’un cas de mésentente entre dirigeants d’une société holding.

 

En l’espèce, il s’agissait d’une société holding constituée sous la forme d’une société par actions simplifiée entre des époux (l’un était président et l’autre directeur général), dont les statuts imposaient l’accord de ces deux dirigeants pour certaines décisions relatives au fonctionnement de la société. A la suite d’un désaccord survenu entre eux ayant entraîné un blocage dans l’adoption des décisions, le président a demandé en justice la nomination d’un administrateur provisoire.

 

Cette demande a été accueillie par les juges au motif que la société et ses filiales étaient menacées d’un péril imminent. En effet, la grave mésentente existant entre les organes de direction avait conduit à la paralysie du fonctionnement de la société, qui s’était manifestée par l’interruption des flux financiers entres les filiales et la société holding.

 

Ainsi, il résulte de cet arrêt que lorsque les statuts d’une société holding prévoient que les décisions doivent être prises par tous les dirigeants, la mésentente entre eux justifie la nomination d’un administrateur provisoire dans l’hypothèse où celle-ci a entraîné la paralysie du fonctionnement sociétaire.

 

Cette décision s’inscrit dans une certaine lignée jurisprudentielle dans la mesure où la Cour de cassation avait déjà jugé que « la désignation judiciaire d’un administrateur provisoire était une mesure exceptionnelle qui supposait rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la personne morale et la menaçant d’un péril imminent. » (Cass. soc., 23 octobre 2012, n°11-24609). L’administrateur provisoire étant chargé d’assurer la gestion de la société en lieu et place des dirigeants pendant le temps que la crise se dénoue, sa nomination constitue une mesure salutaire et efficace permettant de résoudre les graves conflits entre associés et de protéger la pérennité de la société. Les juges ont alors tendance à faire prévaloir la vie sociale, même si elle s’avère fortement perturbée par une mésentente entre associés, sur la prononciation de la dissolution anticipée de la société à la demande d’un associé (C. civ., art. 1844-7). Le cas d’espèce en est d’ailleurs une illustration. On peut cependant faire remarquer que cette solution provisoire n’aura bien souvent que pour seul effet de retarder la dissolution prévisible.

 

Cette décision de la Cour de cassation peut être mise en perspective avec d’autres dispositifs ayant pour objet d’éviter le risque de blocage du fonctionnement de la société. Lorsque, comme en l’espèce, une clause statutaire subordonne l’adoption de décisions à l’accord de tous les dirigeants, il peut être judicieux de les compléter d’une mesure permettant, en cas de désaccord entre eux, l’adoption des décisions par un autre organe, tel que par exemple la collectivité des associés. Sur ce point, il est possible de s’inspirer d’une disposition prévue dans les sociétés anonymes à directoire et conseil de surveillance selon laquelle, en cas de refus du conseil de donner son accord à une décision soumise à son autorisation (notamment, en matière de vente d’immeuble ou de constitution de sûreté), le directoire peut saisir l’assemblée générale des actionnaires qui décide de la suite à donner au projet (C. com., art. R. 225-40).

 

 

 

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