Si chaque associé bénéficie, par principe, du droit de le demeurer, la pratique s’est naturellement efforcée de rétablir une forme de justice interne en instituant, dans le but assumé d’anticiper les situations de mésentente ou même de blocage, un mécanisme statutaire de sortie forcée en cas de survenance d’un événement particulier.
C’est tout l’intérêt de la clause d’exclusion dont le principe général de licéité ne fait plus débat.
Le mécanisme d’exclusion a néanmoins fait couler beaucoup d’encre et engendré nombre de contentieux, la portée et la mise en œuvre de ces clauses, bien que statutaires, étant – encore souvent – discutées.
Il reste, en définitive, que la clause d’exclusion est soumise à un régime spécifique qui, insuffisamment anticipé, en limite drastiquement l’efficacité.
Point d’étape sur cet outil à ne pas mettre entre toutes les mains.
Conservation du droit de vote de l’associé visé.
Si les statuts peuvent librement fixer les modalités de l’exclusion, il n’est désormais plus contesté que l’associé dont l’exclusion est envisagée ne peut être privé de son droit de voter la décision collective portant sur sa propre exclusion. Toute clause contraire serait, c’est un fait, réputée non écrite.
L’associé visé par la mesure d’exclusion conserve donc ses prérogatives, ce qui peut, à n’en pas douter, nuire à l’efficacité de cette clause dans le cas où celui-ci disposerait d’un pouvoir décisionnel majoritaire en assemblée.
L’effet de blocage est alors garanti, sauf, par exemple, à avoir statutairement anticipé la difficulté en déléguant le pouvoir d’exclusion à un organe distinct de la collectivité des associés.
Le rachat incertain des titres de l’associé exclu.
En l’absence de dispositions spécifiques prévues dans les statuts, le prononcé de l’exclusion peut, pour l’essentiel, se résoudre de deux manières :
- un accord amiable peut être trouvé avec l’associé exclu concernant les modalités de sortie et la détermination du prix de cession de ses actions ;
- à défaut d’accord, le prix des titres est fixé par un expert désigné par le juge, engendrant surcoûts, allongement des délais et perte de liberté dans la détermination du prix, sans même évoquer l’hypothèse où l’associé exclu conteste judiciairement l’exclusion.
On retiendra, par ailleurs, que la décision d’exclusion n’emporte, en elle-même, aucun transfert de propriété des titres. Sauf à ce que les statuts l’aient encadré, l’associé exclu ne perd donc sa qualité d’associé – et les prérogatives y attachées – qu’à la date de transfert effectif de propriété de ses titres.
L’on aura compris le soin particulier qu’il convient d’apporter à la rédaction de ces clauses – essentielles mais néanmoins coriaces – d’exclusion.
Il ne saurait d’ailleurs en être autrement des mécanismes alternatifs – potentiellement redoutables – que la pratique a eu le bon ton d’instituer pour sécuriser davantage la sortie forcée d’un associé, ou, du moins, son calendrier.
La clause d’éviction.
La clause d’éviction a, par opposition à l’exclusion qui nécessite d’être prononcée, le mérite d’être automatique. Dès la survenance d’un évènement spécifique déterminé, l’associé mis en cause est évincé de la société, sans qu’une décision n’ait à être prononcée. L’applicabilité de ce type de clauses, nécessairement statutaires, suppose – on l’aura compris – un générateur objectif, outre la fixation des modalités de paiement du prix de rachat des titres auquel la Société sera tenue. Prudence donc.
La (les) clause(s) de leaver…
Ce terme équivoque désigne le mécanisme de promesse unilatérale, dont il existe une foule de déclinaisons, par lequel un associé s’engage à vendre ses titres (1) en cas de survenance d’un évènement déterminé et (2) si le bénéficiaire de la promesse décide de lever l’option d’achat. Ce type de clauses, extrêmement courantes dans les pactes d’actionnaires, a le mérite de son efficacité puisque, si elle est correctement calibrée et mise en œuvre, elle entraine la perte de la qualité d’associé moyennant un prix le cas échéant décoté (qui évoque le fameux bad leaver bien connu). Elle suppose, pour son efficacité, d’être précisément encadrée, a fortiori si elle est opposée à un associé par ailleurs salarié.
La clause de buy or sell.
D’origine anglo-saxonne, ce mécanisme de promesses croisées est d’une grande utilité, notamment lorsque deux actionnaires se partagent de façon égalitaire le capital d’une société et qu’un désaccord est susceptible d’en entrainer la paralysie. Le buy or sell, à calibrer et manier avec une infinie précaution, permet d’offrir une issue à ce blocage tout autant qu’inciter les associés à trouver un compromis.
Notons que ces mécanismes peuvent parfaitement se cumuler et mettre, in fine, quelque peu à mal le principe d’un droit au maintien de sa qualité d’associé.
Fondateurs, associés, n’est-il pas temps de faire le ménage ?