La taxe foncière sur les propriétés bâties (« TFPB ») constitue une charge fiscale substantielle pesant sur les entreprises propriétaires de locaux professionnels. Cette imposition locale, déterminée sur la base de la valeur locative cadastrale des biens immobiliers concernés, repose sur une évaluation complexe faisant intervenir divers critères. Or, en raison de cette technicité, il n’est pas rare que les entreprises soient confrontées à des situations de surévaluation de leur taxe foncière.
Le cabinet Bruzzo Dubucq vous propose l’examen de cinq erreurs courantes de l’Administration fiscale en matière de taxe foncière applicable aux locaux professionnels. Cette analyse a vocation de permettre aux entreprises de vérifier la justesse de leur imposition et d’envisager, le cas échéant, les recours adéquats pour régulariser leur situation.
QU’EST-CE QU’UN LOCAL PROFESSIONNEL ?
En fiscalité locale, le « local professionnel » désigne tout local affecté à un usage professionnel ou commercial, par opposition aux locaux destinés exclusivement à l’habitation. Sont ainsi concernés les bureaux, commerces, cabinets libéraux ou encore les entrepôts, à l’exclusion des locaux industriels évalués selon d’autres règles spécifiques.
Cette qualification conditionne directement la méthode tarifaire de calcul de la taxe foncière. Celle-ci est établie sur la base de la valeur locative cadastrale, déterminée selon trois critères principaux : la surface pondérée, la catégorie d’usage du local, ainsi qu’un coefficient de localisation.
C’est dans ce contexte précis que surviennent fréquemment des erreurs administratives, détaillées ci-après.
ERREUR N°1. – UNE SURFACE PONDÉRÉE MAL CALCULÉE
La première erreur fréquente concerne la détermination de la surface pondérée retenue pour l’évaluation de votre local professionnel.
Cette surface correspond à la somme des superficies réelles, mesurées au sol entre les murs ou séparations, auxquelles sont appliqués, le cas échéant, des coefficients de pondération spécifiques. Elle est donc une superficie « corrigée » du local, selon la nature des différentes parties du local. Une mauvaise application de ces coefficients est souvent à l’origine d’erreurs significatives dans le calcul de la taxe foncière.
En effet, toutes les surfaces ne comptent pas de la même manière dans le calcul de la valeur locative cadastrale :
- Les surfaces essentielles à l’exercice de l’activité (surfaces « principales ») sont pleinement retenues (coefficient 1),
- Tandis que les surfaces non essentielles à l’exercice de l’activité (surfaces « secondaires ») se voient appliquer un coefficient minorant (0,5 ou 0,2 selon que la partie concernée du local soit couverte ou en extérieure).
Erreur de l’Administration. – Il est possible que l’Administration commette des erreurs de mesure ou de classification des différentes surfaces composant le local professionnel.
Ainsi, une réserve ou un local technique, surfaces secondaires normalement pondérées à 0,5, peuvent être considérés à tort comme surfaces principales et être pondérées à 1.
De même, des surfaces extérieures non couvertes (telles que des cours, terrasses accessibles ou zones de stockage ouvertes), normalement pondérées à 0,2, peuvent être prises en compte comme des surfaces couvertes ou principales.
Conséquence sur votre taxe foncière. – Une mauvaise ventilation entre les surfaces principales et secondaires conduit donc à une surestimation directe de la surface pondérée totale, et par voie de conséquence, de la valeur locative cadastrale servant de base à l’impôt.
Une surface pondérée surévaluée signifie que l’Administration considère votre local plus grand (ou « plus productif ») qu’il ne l’est réellement.
Par exemple, un local commercial comportant 100 m² de surface utile principale et 20 m² de réserve couverte non accessible au public devrait être évalué à 110 m² pondérés ((100 × 1) + (20 × 0,5) = 110). En cas d’erreur administrative consistant à considérer la réserve comme surface principale, la surface retenue serait alors portée à 120 m².
Ces 10 m² supplémentaires, ainsi intégrés par erreur à la base imposable, entraîneraient une augmentation du montant de la taxe foncière due par l’entreprise, avec un impact financier significatif lorsque l’erreur se reproduit sur plusieurs exercices.
ERREUR N°2. – UNE MAUVAISE CATÉGORISATION DU LOCAL
Le deuxième écueil concerne la catégorie d’évaluation attribuée par l’Administration fiscale à votre local professionnel. Depuis la révision des valeurs locatives, intervenue en 2016, chaque local professionnel est en effet classé dans une catégorie tarifaire, déterminée par son usage principal et ses caractéristiques spécifiques (commerce de détail, bureaux, ateliers, entrepôts, hôtels, etc.).
Par exemple, un cabinet d’expertise comptable sera classé en catégorie « bureaux », un magasin de vêtements en catégorie « boutiques et magasins », tandis qu’un hangar de stockage relèvera de la catégorie « dépôts ». En présence d’une multi-activité, c’est l’activité occupant la plus grande surface qui détermine la catégorie principale retenue pour le local.
Erreur de l’Administration. – Il n’est pas rare que l’Administration fiscale classe un local dans une catégorie tarifaire plus coûteuse que celle correspondant à son usage effectif. Cette erreur peut provenir d’une déclaration inexacte ou imprécise du contribuable, mais également d’une confusion ou d’une mauvaise appréciation de l’Administration lors de la révision des valeurs locatives.
Cette catégorisation erronée entraîne mécaniquement l’application d’un tarif au mètre carré supérieur à celui réellement applicable au local concerné.
Par exemple, un local à usage d’atelier classé à tort en catégorie « magasin » pourrait voir son tarif unitaire au mètre carré significativement majoré, générant ainsi une évaluation excessive de la valeur locative cadastrale.
Conséquence sur votre taxe. – La valeur locative cadastrale étant notamment calculée par multiplication de la surface pondérée par le tarif applicable à la catégorie retenue, une erreur de classification se traduit directement par une augmentation injustifiée du montant de la taxe foncière.
À titre illustratif, considérons un local professionnel de 200 m² utilisé comme bureaux. Supposons que le tarif applicable à la catégorie « bureaux » soit de 120 €/m². Si ce même local est erronément classé dans la catégorie « magasin », avec un tarif de 180 €/m², la valeur locative cadastrale serait alors de 36 000 € (200 × 180), contre seulement 24 000 € (200 × 120) dans la bonne catégorie.
Cette erreur représenterait ainsi une majoration directe de 50 % de la base imposable, induisant une hausse considérable et non fondée de la taxe foncière à la charge de l’entreprise.
ERREUR N°3. – NON-APPLICATION DES MÉCANISMES DE PLANCHONNEMENT OU DE LISSAGE
Le calcul de la taxe foncière des locaux professionnels a fait l’objet d’une importante réforme entrée en vigueur en 2017, relative à la révision des valeurs locatives cadastrales. Cette réforme a permis une mise à jour des évaluations foncières, dont les bases dataient jusque-là de 1970, entraînant ainsi, dans certains cas, des hausses substantielles des valeurs locatives imposables.
Afin d’éviter des augmentations brutales de la cotisation fiscale, le législateur a instauré des mécanismes spécifiques d’atténuation, communément appelés mécanismes de « planchonnement » (ou plafonnement) et de « lissage », mais qui ne concernent que les locaux construits ou rénovés avant 2017. Concrètement, il s’agit de modérer les variations de taxe d’une année sur l’autre par rapport à l’ancien système.
On distingue principalement deux dispositifs :
- Le « plafonnement »[1], qui consiste à calculer la valeur locative en faisant la moyenne entre la valeur locative révisée et la valeur locative antérieure à la réforme (valeur de 2016), majorée chaque année d’un coefficient de revalorisation forfaitaire. Ce dispositif permet d’éviter une augmentation excessive de la base imposable en une seule fois.
- Le mécanisme dit de « lissage sur 10 ans »[2], qui prévoit une application progressive, étalée sur dix ans (entre 2017 et 2026), des variations de cotisations engendrées par la révision des valeurs locatives. Concrètement, chaque année, seul un dixième de l’écart résultant de la révision est ajouté ou retranché de la cotisation de l’année précédente.
L’absence d’application de ces mécanismes par l’Administration constitue une erreur entraînant une augmentation injustifiée et immédiate de la taxe foncière.
Erreur de l’Administration. – En principe, ces mécanismes doivent être appliqués automatiquement par l’Administration fiscale dans les avis d’imposition des locaux professionnels. Toutefois, il arrive fréquemment que ces dispositifs ne soient pas pris en compte correctement. Cela peut notamment se produire lors de changements de propriétaire, de modifications importantes de la consistance foncière des biens, ou simplement en raison d’erreurs de calcul ou d’omissions administratives.
Conséquence sur votre taxe. – La non-application du plafonnement ou du lissage peut avoir des conséquences financières lourdes pour les entreprises concernées.
À titre d’exemple, si la révision des valeurs locatives a entraîné une augmentation théorique de la cotisation annuelle de taxe foncière de 5 000 € à 8 000 € (soit une augmentation de 40 %), le mécanisme de lissage prévoit une hausse progressive d’environ 200 € par an sur une période de 10 ans. Si ce dispositif n’est pas appliqué, l’Administration pourrait exiger immédiatement les 7 000 €, soit une majoration indue de 600 € au titre de l’année 2024 (8 000 – 2 x (8 000 – 5 000)).
Sur plusieurs exercices fiscaux, cette erreur engendre un préjudice financier considérable pour les contribuables concernés, justifiant ainsi une vigilance particulière lors de l’examen des avis d’imposition et, le cas échéant, la mise en œuvre rapide d’un recours pour rétablir une juste imposition.
ERREUR N°4. – MAUVAISE PRISE EN COMPTE DES SURFACES DE STATIONNEMENT (PARKINGS, GARAGES, ETC.)
Les surfaces de stationnement (parkings et garages) associées aux locaux professionnels font l’objet d’une prise en compte particulière dans le calcul de la valeur locative cadastrale.
En effet, ces espaces, dès lors qu’ils constituent des annexes aux locaux principaux, doivent être évalués selon des coefficients de pondération spécifiques, tenant compte de leur utilisation effective :
- Un parking couvert doit être considéré comme une surface secondaire couverte, affectée d’un coefficient de pondération fixé à 0,5.
- Un parking non couvert doit être considéré comme une surface secondaire non couverte, avec un coefficient de pondération de 0,2.
Ces coefficients minorés s’expliquent par le fait que, bien que les emplacements de stationnement apportent une valeur ajoutée au local professionnel, leur potentiel commercial ou locatif reste inférieur à celui des surfaces principales (bureaux, magasins, ateliers, etc.).
Erreur de l’Administration. – Il est possible que l’Administration fiscale commette des erreurs d’appréciation concernant la catégorisation ou la mesure des surfaces de stationnement.
Ainsi, il arrive que l’Administration comptabilise incorrectement une aire de stationnement extérieure comme une surface bâtie classique, sans appliquer le coefficient d’abattement approprié. De même, des places de stationnement couvertes, situées en sous-sol ou dans l’immeuble, peuvent être intégrées à tort comme des surfaces principales, sans application du coefficient spécifique à 0,5.
En résumé, toute surestimation de la surface de parking (ou une omission de la décote qui lui est applicable) gonfle indûment la valeur locative.
Conséquence sur votre taxe. – Une erreur sur la prise en compte ou la pondération des surfaces de stationnement entraîne une majoration injustifiée de la surface pondérée totale du local, augmentant ainsi la valeur locative cadastrale.
Par exemple, si un parking extérieur de 100 m² est considéré à tort par l’Administration comme une surface principale, avec un coefficient de 1 au lieu de 0,2, cette erreur reviendrait à ajouter artificiellement 80 m² supplémentaires à la surface pondérée imposable.
Inversement, il convient de noter que les parkings isolés situés sur un terrain non bâti relèvent normalement de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, dont le taux est significativement inférieur. Une confusion administrative entre ces deux régimes pourrait ainsi également entraîner une surimposition injustifiée.
ERREUR N°5. – NON-APPLICATION D’EXONÉRATIONS OU D’ABATTEMENTS LÉGAUX (ARTICLES 1382 ET S. DU CGI)
La cinquième erreur, moins liée au calcul direct de la valeur locative cadastrale qu’au montant final de l’imposition, concerne l’absence d’application par l’Administration fiscale des exonérations ou abattements spécifiquement prévus par le Code général des impôts (CGI). En effet, le CGI prévoit divers cas où un immeuble, bien que théoriquement imposable à la taxe foncière, peut bénéficier d’une exonération totale ou partielle, permanente ou temporaire.
Parmi les dispositifs importants figurent notamment :
- L’exonération temporaire des constructions nouvelles à usage non résidentiel, prévue à l’article 1383 du CGI. Ces constructions neuves ouvrent droit à une exonération de 2 ans de taxe foncière, à hauteur de 40 % de la base imposable, à compter de l’année qui suit leur achèvement.
- Des exonérations ou abattements spécifiques sont également prévus pour certains commerces de détail[3].
- Des dispositifs particuliers existent aussi dans le cadre de zones géographiques spécifiques. Par exemple, les zones franches d’activité nouvelle génération (ZFA-NG)[4] bénéficient d’abattements pouvant atteindre jusqu’à 80 % de la base imposable, sauf décision contraire des collectivités locales concernées.
- Enfin, certains locaux sont exonérés de manière permanente en raison de leur affectation particulière, notamment les immeubles appartenant à l’État ou à certains établissements publics de santé, affectés directement à un service public.
Erreur de l’Administration. – L’Administration fiscale commet parfois l’erreur de ne pas identifier ou de ne pas appliquer correctement ces exonérations ou abattements légaux. Cette omission peut découler d’une simple erreur administrative, d’une mauvaise connaissance de la situation réelle du bien, ou encore d’un défaut d’accomplissement par le propriétaire des formalités déclaratives nécessaires à l’application des avantages fiscaux.
Conséquence sur votre taxe. – La non-application d’une exonération ou d’un abattement implique que le contribuable paie un impôt dont il devrait être totalement ou partiellement dispensé selon les dispositions légales.
À titre illustratif, pour un immeuble de bureaux nouvellement construit soumis à une cotisation annuelle de taxe foncière de 10 000 €, l’exonération temporaire de deux ans à hauteur de 40 % de la base imposable représenterait une économie annuelle potentielle de 4 000 €, soit 8 000 € d’économie sur deux années fiscales. Le défaut d’application de ce dispositif engendrerait donc un surcoût fiscal significatif.
VÉRIFIER VOTRE TAXE FONCIÈRE ET DÉFENDEZ VOS DROITS
La taxe foncière sur les propriétés bâties affectant les locaux professionnels constitue une charge fiscale substantielle pour les propriétaires qui en sont redevables. Cette imposition repose toutefois sur une base d’évaluation complexe, issue de méthodes tarifaires précises, mais également de données souvent anciennes ou susceptibles d’erreurs administratives lors de leur mise à jour.
Les cinq erreurs les plus fréquemment constatées peuvent ainsi entraîner des augmentations injustifiées et significatives de la cotisation due par les propriétaires concernés. Dans ce contexte, une vérification régulière et rigoureuse des avis d’imposition permet de s’assurer que vous ne vous acquittez que du montant exact exigible conformément à la législation fiscale applicable.
La Clinique du Droit des Affaires a développé un outil unique permettant de détecter les erreurs de l’Administration fiscale et offre la possibilité aux propriétaires de fonciers de vérifier, gratuitement, qu’ils ne font pas l’objet d’une surimposition à la taxe foncière sur leurs locaux professionnels : https://hackathon.cliniquedudroitdesaffaires.fr/
En cas de surimposition détectée, la Clinique met à disposition son expertise afin d’accompagner les entreprises dans la réalisation des démarches auprès de l’administration fiscale, aux fins d’obtenir un éventuel dégrèvement et le remboursement des sommes versées à tort.
[1] Art. 1518 A quinquies, III, CGI.
[2] Art. 1518 E, CGI.
[3] Art. 1388 quinquies C CGI.
[4] Art. 1388 quinquies CGI.