4 juillet 2017

Caméra Cachée : pas de droit à l’image pour le médecin filmé dans son cabinet !

Droit à l’image : Conflits de droits 

Civ. 1re, 29 mars 2017 n° 15-28.813

Le droit à l’image fait partie de la catégorie des droits extra-patrimoniaux, qui n’ont pas de valeur monétaire, et qui ne peuvent pas être cédés, au contraire des droits patrimoniaux que sont la propriété, l’usufruit etc.

Parmi ces droits extra-patrimoniaux il existe plusieurs catégories, dont les droits de la personnalité que sont les :

  • droits à l’honneur,
  • droit à l’image,
  • droit à la vie privée etc.

Ce sont des droits qui sont innés, attachés irrémédiablement à la personne. Ces droits fondamentaux, sont protégés par le Code civil mais aussi par la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

Notre image est une donnée personnelle. Chacun peut en principe en faire ce qu’il en veut, c’est à dire de manière positive, la publier, mais aussi de manière négative, en empêcher la diffusion.

Or attention, le droit à l’image, malgré ce que certains affirment, n’est pas un droit absolu. Plusieurs exemples peuvent illustrer ce propos.

L’image des biens, pas vraiment protégée !

Il est tout d’abord nécessaire d’évoquer le cas de la jurisprudence sur l’image des biens. En effet, le propriétaire d’un immeuble par exemple a le droit à tout sur son bien : il a la capacité d’en user, en jouir mais il peut également réaliser des actes de disposition comme le vendre, le céder à titre gratuit etc.

Or, le propriétaire n’a pas de droit absolu sur l’image de son bien, ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence controversée de la Cour de cassation.

La Haute Cour, dans un arrêt du 5 juin 2003 (n°02-12853), désormais célèbre, affirme haut et fort que le droit de propriété ne comporte pas de « droit à l’image » du bien. Il peut toutefois s’opposer à l’utilisation de cette image par les tiers lorsqu’elle lui cause un trouble anormal (Arrêt de la Cour de cassation du 7 mai 2004 n°02-10450).

Les conflits entre le droit à l’image et d’autres droits

L’autre difficulté à laquelle doit faire face notre droit à l’image est le fait qu’il entre parfois en contradiction avec notre droit à l’information et notre liberté d’expression. Cela s’illustre dans l’arrêt susvisé, rendu par la Cour de cassation le 29 mars 2017.

La chaîne de télévision M6 avait diffusé un reportage en 2011 intitulé « Serial Menteuse », sur l’histoire d’une jeune femme qui avait fait croire pendant des années sur son site internet qu’elle était atteinte d’affection graves.

Ce reportage comportait une séquence tournée en caméra cachée, au cours de laquelle deux journalistes, se faisant passer pour des amis à elle, se rendent chez le médecin généraliste qui suivait la jeune femme.

Lors de la diffusion du reportage, le médecin apparait flouté et sa voix est masquée. Toutefois, il décide de porter plainte contre l’éditrice de la chaîne M6 pour l’atteinte portée à son droit à l’image.

La Cour d’appel accueille sa demande et condamne la société à verser au médecin la somme de 2000€ en réparation de son préjudice. La Cour retient le fait que la séquence litigieuse est précédée et suivi d’un commentaire de nature à dévaloriser la personne ainsi montrée au public. La société forme un pourvoi en Cassation.

Les Hauts magistrats accueille favorablement l’argument de la société contestant l’existence d’une atteinte au droit à l’image. Statuant au visa des articles 9 (droit au respect de la vie privée) et 16 (droit à la dignité) du code civil et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (droit à la liberté d’expression), la Cour énonce en attendu que « la liberté de la presse et le droit à l’information du public autorisent la diffusion de l’image de personnes impliquées dans un événement d’actualité ou illustrant avec pertinence un débat d’intérêt général, dans une forme librement choisie, sous la seule réserve du respect de la dignité de la personne humaine ».

Ainsi, en l’espèce, c’est le droit à l’information qui une nouvelle fois l’emporte sur le droit à l’image. Cependant, attention : cette solution n’est pas absolue et dépend des faits de l’espèce !

Droit à l'image

 

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