3 janvier 2018

Gestion d’affaires : exclusion pure et simple de la prescription biennale prévue par le droit de la consommation

Qu’est ce que la gestion d’affaires ?

La gestion d’affaires fait parti de la catégorie des quasi-contrats, que le Code civil définit comme des faits purement volontaires dont il résulte un engagement de celui qui en profite sans y avoir droit, et parfois un engagement de leur auteur envers autrui (article 1300).  Ce même Code en prévoit trois types : la gestion d’affaires, l’enrichissement injustifié et le paiement de l’indu (articles 1301 à 1304).

La gestion d’affaires implique qu’une personne, que l’on nomme le gérant d’affaire, accomplisse un acte pour le compte d’un tiers : le maître de l’affaire (ou encore le « géré ») en dehors de tout mandat donné par ce dernier.

Le gérant doit gérer sciemment l’affaire d’autrui. Si le gérant n’intervient pas sciemment, alors c’est plutôt la qualification d’enrichissement injustifié qui devra être envisagée, ou celle de paiement indu. 

L’acte ainsi accomplit lors de la gestion peut-être un acte matériel ou juridique, peu importe sa gravité.

L’exemple classique que l’on donne est le suivant : un propriétaire part en vacances et durant son absence, une tempête détruit son toit. Son voisin décide spontanément de faire appel à un couvreur afin d’effectuer les réparations nécessaires, sans avoir au préalable recueilli le consentement du propriétaire. 

Trois éléments sont donc nécessaires pour qualifier une gestion d’affaire :

  • Un élément psychologique : la gestion d’affaires est par principe désintéressée.
  • Un élément juridique : l’intervention doit être spontanée. La gestion doit donc avoir lieu à l’insu ou sans opposition du maître de l’affaire.
  • Un élément économique : la gestion d’affaires donne lieu à un appauvrissement du gérant, avec éventuellement un enrichissement corrélatif du maître de l’affaire

Cette situation fait naître des obligations :

  • Le gérant devra « apporter à la gestion de l’affaire tous les soins d’une personne raisonnable » (article 1301-1 du code civil). Les obligations qui doivent être exécutées dans le cadre d’une gestion d’affaire sont similaires à celles d’un mandat, même s’il n’y a pas de mandat.
  • Le géré remboursera le gérant pour les dépenses nécessaires. Le remboursement peut être étendu à l’indemnisation des dommages éventuellement subis par le gérant, ou encore aux avances qu’il a engagé dans la prestation (achat de matériaux nécessaires à la réparation par exemple), ainsi que les intérêts au taux légal. Attention, on ne considère néanmoins pas qu’il s’agit d’une rémunération !

L’exclusion de la prescription biennale

Au-delà de l’exemple classique du voisin qui répares le toit, il arrive que des hypothèses de gestion d’affaires plus complexes se présentent. Ce fut le cas récemment dans un arrêt de la Première chambre Civile du 9 juin 2017, qui nous amène à nous intéresser à la question de la prescription. En l’espèce, un notaire chargé de régler une succession fait appel à un généalogiste, afin qu’il procède à une recherche dans le but d’identifier les héritiers. Par la suite, il prend contact avec la cousine germaine du défunt, or cette dernière refuse de signer le contrat de révélation de la succession. Le généalogiste l’assigne donc en paiement, sur le fondement de la gestion d’affaires.

L’héritière se défend alors en invoquant la prescription biennale de l’article L.218-2 du code de la consommation (ancien L.137-2) ainsi rédigé : « L’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. »

La cour d’appel a considéré que la prescription biennale précitée ne s’appliquait qu’aux actions fondées sur des dispositions contractuelles. La gestion d’affaires, quasi-contrat, n’était pas concernée.

Traditionnellement, on remarque que la Cour de cassation entend largement le champ d’application de cette prescription biennale. Toutefois en l’espèce, les Hauts Magistrats ont approuvé la solution de la Cour d’appel en rejetant le pourvoi formé par l’héritière. La prescription biennale a seulement vocation à s’appliquer dans l’hypothèse où la relation entre le professionnel et le consommateur est de nature purement contractuelle, or la gestion d’affaire reste un fait juridique

 

 

 

 

 

 

 

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