Quel contexte juridique ?
L’Accord du 24 février 1999 instituant l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI), entré en vigueur en 2002, succède à l’Accord de Libreville du 13 septembre 1962 et à l’Accord de Bangui du 2 mars 1977 portant révision de l’Accord de Libreville.
La révision de 1999 avait plusieurs objectifs, dont celui de rendre les dispositions de l’Accord de Bangui en accord avec les traités internationaux dans le domaine de la propriété intellectuelle auxquels les États membres de l’OAPI sont parties, comme l’Accord sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (Accord sur les ADPIC) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ainsi que celui d’élargir les missions de l’OAPI afin de renforcer la protection de la propriété intellectuelle.
Concernant les textes internationaux, l’OAPI s’inscrit dans le respect de la Convention instituant l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle de Paris de 1883 pour la protection de la propriété industrielle, la Convention de Berne de 1886 sur les œuvres littéraires et artistiques, ainsi que l’Accord sur les ADPIC de 1994, vu précédemment. L’OAPI va plus loin dans cette dynamique de respect, puisque pour pouvoir y adhérer, l’État membre doit remplir la condition d’être partie aux conventions ci-dessus énoncées.
Quoi protéger, et pourquoi ?
Ici nous tentons de comprendre comment protéger les créations et inventions ; encore faut-il bien définir ces termes.
L’invention est définie par l’OAPI comme une idée qui apporte une solution à un problème donné relevant du domaine de la technique. L’Accord distingue deux types d’inventions :
- l’invention de produit : elle consiste en un objet matériel qui se distingue par les caractéristiques de sa constitution, notamment par sa composition, sa structure ou sa forme.
- l’invention de procédé : il s’agit de tout facteur ou agent qui conduit à l’obtention d’un résultat ou d’un produit.
Quant au terme de « création », celui-ci est plutôt large et fait référence à toute action de créer une œuvre originale, de fonder quelque chose qui n’existait pas encore.
L’Accord de Bangui, qui régit la propriété intellectuelle au sein des seize Etats membres, sert de loi nationale pour chacun des Etats. À la lecture de cet accord, il est possible de lister les objets visés dans ce dernier. Sont ainsi protégés par la propriété intellectuelle :
- Les brevets d’invention ;
- Les modèles d’utilité ;
- Les marques de produits ou de services ;
- Les dessins et modèles industriels ;
- Les noms commerciaux ;
- Les indications géographiques ;
- Les obtentions végétales.
Les droits qui relèvent de la propriété industrielle peuvent être regroupés en trois catégories qui portent respectivement sur les créations industrielles, les signes distinctifs et la protection contre la concurrence déloyale. C’est ainsi que les inventions, les modèles d’utilité, les dessins ou modèles industriels, les obtentions végétales relèvent des créations industrielles ; alors que les marques, les noms commerciaux et les indications géographiques sont classés dans la catégorie des signes distinctifs.
Les droits qui relèvent de la propriété littéraire et artistique comprennent le droit d’auteur (droits des artistes musiciens, des auteurs de romans, des auteurs d’œuvres cinématographiques, etc.) et les droits voisins du droit d’auteur (droits des artistes interprètes et exécutants, des producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes, etc.).
Pourquoi ? Il est nécessaire d’insister sur l’importance de la protection de toute sorte d’innovation et de création par la propriété intellectuelle, et ce pour n’importe quel Etat. L’économie actuelle est impulsée par les entreprises, qui ont toute une volonté à s’étendre à l’international. Pour se montrer attractive, une entreprise doit mettre en avant ses atouts, et l’actif immatériel ou incorporel, notamment la propriété́ intellectuelle vient enrichir le patrimoine. La propriété intellectuelle se présente désormais comme un bien susceptible de garantir un crédit, ce qui favorise la croissance des entreprises, par le biais du financement de leurs projets et développements.
Ainsi, assurer une sécurité juridique concernant la propriété intellectuelle permet de favoriser le développement, l’implantation d’entités économiques sur le territoire en augmentant l’attractivité de ce dernier par la création des conditions favorables à l’application effective des principes de la propriété intellectuelle, faciliter les avancées technologiques, …
Comment assurer cette protection ?
Pour pouvoir bénéficier de la protection par la propriété intellectuelle, il s’agit avant tout d’obtenir un titre de propriété intellectuelle. La formalité principale est que l’auteur doit déposer un dossier auprès de l’Organisation, et cette demande sera soumise à un examen administratif et technique. Il faut savoir que tout dépôt effectué auprès de l’Administration de l’un des Etats membres ou de l’Organisation a valeur de dépôt national dans chaque Etat membre.
L’Organisation centralise toutes les procédures de délivrance des titres de propriété industrielle tels que les brevets, les marques de produit ou de service, titres qui sont valables dans l’ensemble des pays membres.
En cas de contentieux, des procédures sont prévues par l’Accord de Bangui et permettent aux titulaires des droits de propriété intellectuelle d’exercer des actions. Ainsi, les titulaires peuvent engager un contentieux administratif auprès de l’OAPI ou un contentieux judiciaire au niveau des tribunaux.
Les sanctions des atteintes aux droits de propriété industrielle sont du ressort des juridictions de chaque Etat membre, et les décisions judiciaires définitives font autorité dans tous les autres Etats – exceptées celles fondées sur l’ordre public et les bonnes mœurs.
Un début de consécration de la propriété intellectuelle par le droit OHADA ?
L’OHADA œuvre pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, écartant de prime abord les questions de propriété intellectuelle. Pour autant, l’OHADA ne l’a pas totalement laissé de côté dans son droit. Ainsi, l’Acte uniforme traitant des voies d’exécution permet des saisies conservatoires sur des biens incorporels, et cela a été accepté en matière de violation de droits d’auteur par dans un arrêt de la Cour d’appel de Niamey, au Niger (CA Niamey, Niger, n° 123, 17-11-2004, Europress c. Compagnie beauchemin international, Ohadata J-10-280).
De plus, l’Acte uniforme sur le droit des sûretés prévoit le nantissement des droits de propriété intellectuelle, nantissement qui est défini par l’article 156 comme « la convention par laquelle le constituant affecte en garantie d’une obligation tout ou partie de ses droits de propriété intellectuelle existants ou futurs, telle que des brevets d’invention, de marques de fabrique et de commerce, des dessins et modèles. Le nantissement des droits de propriété intellectuelle peut être conventionnel ou judiciaire ».
Enfin, l’Acte uniforme sur le droit commercial général de l’OHADA exige dans la vente de marchandises que celles-ci ne soient pas grevées de droits de propriété intellectuelle des tiers.
Au vu de l’importance de cette protection, il est intéressant de noter que l’OHADA a signé un Accord de coopération avec l’OAPI, le 9 mai 2016 à Yaoundé. Néanmoins, nous ne pouvons qu’espérer que l’OHADA édicte un Acte uniforme qui serait consacré à la propriété intellectuelle, afin d’aller encore plus en profondeur dans l’harmonisation des régimes juridiques des États membres.