Impact du Brexit sur les contrats
Sous réserve qu’aucun évènement tel un nouveau référendum n’intervienne d’ici la fin de la période de négociation, le Royaume-Uni devrait quitter définitivement l’Union européenne au plus tard le 29 mars 2019 à 23 h (soit le 30 mars pour le Continent Européen).
Déjà, le 20 février 2016, date à laquelle le Premier Ministre alors en fonction, David Cameron annonçait le référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne pour le 23 juin de la même année, les entreprises se préparaient à une potentielle sortie en intégrant dans leurs contrats des clauses dites de « hardship ».
La clause de « hardship »
La clause de « hardship », appelée également aussi la clause de sauvegarde ou de renégociation, permet aux parties à un contrat d’anticiper un changement de circonstances économiques, techniques, commerciales ou financières, imprévisibles à la signature du contrat, et rendant son exécution difficile ou particulièrement onéreuse.
En effet, l’imprévisibilité de l’évènement rendait possible l’efficacité de cette clause.
Toutefois, aujourd’hui la procédure de retrait est en marche, l’évènement n’est plus imprévisible et, pour faire face à l’après-Brexit, la rédaction des contrats doit être repensée. Et pour cause, l’applicabilité ou la force exécutoire de certaines clauses contractuelles post-Brexit peuvent devenir incertaines : un accord de distribution ayant l’Union européenne pour champ d’application inclura-t-il toujours le Royaume-Uni ? Quid si la législation britannique s’applique au contrat ? Ou si les obligations contractuelles deviennent déraisonnables en raison du Brexit ?
Pour faire face à cette incertitude, il est d’ores et déjà conseillé d’ajouter certaines clauses dans les contrats en cours pour tenir compte de la situation post-Brexit. Les rédacteurs de contrat prévoient notamment des clauses dites de « Brexit-Wall ».
Les clauses de «Brexit-Wall»
Elles permettent d’indiquer les conditions de sortie du contrat, les conséquences financières en cas de modification de la législation sur les salariés, les coûts relatifs à des différences de normes applicables aux marchandises ou encore laquelle des parties supportera les coûts de droit de douane.
Les clauses de continuation
De même, il est possible de prévoir une clause de continuation qui stipule clairement que le Brexit ne confère aucunement aux parties le droit de rompre le contrat. Il est encore conseillé de vérifier le champ d’application territorial du contrat ou d’y inclure une clause de révision de prix si des frais de douane venaient à s’appliquer.
En outre, il est désormais nécessaire de se prémunir contre le risque de change ou le risque de livraisons tardives en raison de contrôles douaniers. La prudence est la règle et il convient avant tout de définir correctement le Brexit dans son contrat afin de ne pas être confronté à d’éventuels conflits le jour où ces clauses entreront en vigueur.
De façon plus spécifique, en matière de contrats financiers, la poursuite des contrats en cours là aussi suscite des interrogations. Néanmoins, selon le Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris (HCPJ), les contrats en cours conclus par des établissements financiers situés au Royaume-Uni avec des personnes situées en France pourraient dans leur majorité, continuer à être exécutés après un Brexit « dur ».
Autrement dit, le Brexit n’entraînerait pas la nullité de ces contrats valablement conclus avant le Brexit.
C’est ainsi qu’en matière bancaire, de gestion d’actifs ou de contrats d’assurance, parce que l’obligation essentielle aura le plus souvent été remplie au moment de leur conclusion, la plupart des contrats conclus avant le Brexit pourront être valablement exécutés après un Brexit « dur ».
La question s’avère plus délicate lorsqu’elle est relative à l’incidence du Brexit sur l’exécution des contrats en cours, qui n’ont pas épuisés leurs effets, c’est-à-dire dont l’obligation essentielle n’a pas été remplie, au jour du Brexit.
Les établissements financiers au Royaume-Uni perdent le passeport européen
La conséquence immédiate du Brexit dur étant la perte du passeport européen des établissements financiers situés au Royaume-Uni, il leurs serait alors interdit de demander un renouvellement post-Brexit des contrats avant leur échéance ainsi que la modification d’une obligation essentielle des parties à un contrat, car ces modifications impliquent la fourniture d’un nouveau service.
Or, étant devenues « des entreprises de pays tiers », les établissements financiers perdront leur droit d’exercer leur activité au Royaume-Uni. L’une des solutions serait alors de transférer une partie de l’activité opérée depuis le Royaume-Uni par ces établissements au profit d’une structure établie au sein de l’Union Européenne.
Cependant, afin d’éviter le forum shopping au sein de l’Union, le HCPJ recommande une meilleure harmonisation des approches des autorités nationales qui pourrait être réalisée par un renforcement du pouvoir de chacune des autorités européennes de surveillance.
En tout état de cause, et face aux changements conséquents à intervenir, la France se prépare : un projet de loi habilitant le gouvernement à prendre par ordonnance les mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni en cas d’absence d’accord a été déposé le 3 octobre 2018 et est actuellement examiné au Sénat. Ainsi, le temps de la réflexion semblerait écoulé et le temps de l’action plus que jamais nécessaire.
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