Bien connu des entreprises transnationales, le concept d’établissement stable accorde le droit à un État d’imposer les entreprises présentes physiquement sur son territoire, indépendamment du lieu où est situé leur siège social.
Pensé par l’OCDE dans l’entre-deux guerre, dans une économie industrialisée, la notion ne cesse d’éprouver ses limites dans un monde digitalisé[1], et les Etats peinent aujourd’hui à rattacher à un établissement stable des activités purement dématérialisées.
Quand une entreprise décide de pratiquer le minage, l’une des considérations tient souvent au lieu de localisation des machines, pour des questions de coût de l’énergie principalement. Cette localisation des machines peut toutefois avoir un autre impact : celui de déterminer l’Etat qui aura le droit d’en imposer les profits.
Le serveur constitutif d’un établissement stable au sens de la convention M-OCDE
Le 9 janvier 2001, les pays membres de l’OCDE sont parvenus à un consensus sur l’interprétation, en ce qui concerne le commerce électronique, des conditions dans lesquelles les activités commerciales d’une entreprise située dans un pays donné sont ou non exercées par l’intermédiaire d’un établissement stable.
À cette occasion, les commentaires M-OCDE ont été enrichis et nous enseignent désormais qu’un serveur doit être interprété comme « […]un élément d’équipement ayant une localisation physique et cette localisation peut donc constituer une « installation fixe d’affaires » de l’entreprise qui exploite ce serveur. ».[2]
Une interprétation confortée par une réponse ministérielle du ministre de l’économie, publiée le 22 janvier 2001, selon laquelle « la disposition d’un serveur, c’est-à-dire d’un équipement physiquement localisable, doit être regardée comme constitutive d’un établissement table ».[3]
Pour être un établissement stable le serveur doit réunir conditions suivantes :
1° l’installation doit être fixe. Cette condition est en principe remplie pour une activité de minage, étant donné qu’il ne s’agit pas de savoir si l’équipement informatique peut être déplacé, mais si celui-ci est effectivement situé dans l’État en question.
2° l’activité de l’entreprise doit être entièrement ou partiellement exercée à l’endroit où se trouve le serveur. Là encore cette condition est remplie, puisque le minage consiste à mettre à disposition la puissance de calcul d’un équipement informatique au service de la blockchain, l’activité doit être regardée comme étant exécuté au lieu de localisation du hardware.
Une fois ces deux critères réunis, une dernière condition réside dans le fait que les serveurs doivent être à la « disposition » de l’entreprise, c’est-à-dire loué ou être propriété de la société. À ce sujet l’administration danoise a toutefois pu considérer qu’un serveur, détenu et opéré par une société danoise, ne constituait pas un établissement stable pour la société étrangère liée par un contrat d’hébergement.[4]
Pour conclure, le commentaire M-OCDE souligne que « la présence de personnel n’est pas nécessaire pour considérer qu’une entreprise exerce totalement ou partiellement son activité à un endroit si aucun personnel n’est en fait requis pour y exercer des activités d’entreprise ».
L’Autriche a déjà eu l’occasion de préciser le traitement fiscal du minage international. L’administration autrichienne a considéré dans un rescrit qu’une société suisse pouvait avoir un établissement stable en Autriche à la condition qu’un serveur local soit situé en Autriche. A l’inverse, si le contribuable se contente d’utiliser la puissance de calcul d’un tiers (cloud mining), l’absence de présence physique en Autriche conduit à une absence d’établissement stable.[5]
La liberté offerte aux mineurs du choix de leur lieu d’imposition
Dans la pratique, le lieu de localisation des serveurs est un élément essentiel dans la création d’une entreprise de minage, et il convient de combiner les aspects économiques (coûts de production, stabilité de la législation etc.) et fiscaux de l’Etat d’implantation pour optimiser au mieux la rentabilité de l’entreprise.
Cette solution devrait logiquement s’appliquer à l’ensemble des conventions fiscales internationales Françaises, même antérieures à 2001, si l’on tire les enseignements de la décision « Convernant Internatinoal Ltd »[6], par laquelle les juges sont revenus sur la jurisprudence « SA Andritz »[7], et ont admis la lecture des conventions à la lumière des commentaires postérieurs aux conventions.
[1] Vaca, A. (2016). “Virtual Permanent Establishment: An Approach to the Taxation of Electronic Commerce Transactions”. Revista de Derecho, Fiscal n.° 8, Bogotá: Universidad Externado de Colombia. pp. 89-102
[2] Commentaire n°123, sur l’article 5 de la convention M-OCDE
[3] Question N°56961, M. Chazeaux Olivier, 11e législature
[4] SKM2020.390.SR
[5] EAS 3401, 30 April 2018
[6] CE ; 11/12/2020 ; n° 420174, « Conversant International Ltd »
[7] CE ; 30/12/2003 ; n°233894, « SA Andritz »