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14/04/2025

Action en diffamation exercée à l’encontre d’un dirigeant et de ses sociétés : l’instrumentalisation manquée du droit pénal de la presse dans le cadre d’un litige commercial

S’il est un précieux outil pour faire valoir les droits des justiciables, le droit pénal fait parfois l’objet d’une forme d’« instrumentalisation », le recours au dépôt de plainte ayant alors pour finalité d’alimenter ou, au contraire, de ralentir les contentieux commerciaux et prud’homaux exercés en parallèle.

En la matière, le droit de la presse est un terrain fertile et il n’est pas rare de voir se développer, en parallèle d’une action exercée devant le tribunal de commerce, un « contre-feu » allumé sur le fondement de la diffamation ou de l’injure.

Ces infractions répondent néanmoins à un régime spécifique posé par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, lequel peut rapidement constituer un véritable « chausse-trappes » procédural.

C’est alors à l’avocat de la personne à laquelle on reproche d’avoir tenu des propos pénalement qualifiables de savoir en tirer profit.

En ce sens, le cabinet BRUZZO-DUBUCQ a récemment obtenu devant une Chambre de l’instruction la confirmation de l’ordonnance de non-lieu rendue au profit de ses clients, en l’espèce, un dirigeant d’entreprise et ses deux sociétés.

Ces derniers avaient fait l’objet d’une plainte avec constitution de partie civile fondée sur des propos qui auraient été tenus dans le cadre d’un litige commercial et qui, selon les plaignants, revêtaient un caractère diffamatoire.

En Défense, Maître DALIGAUX, associé du Cabinet BRUZZO-DUBUCQ au sein du département de droit pénal des affaires, a fait valoir une série d’arguments juridiques ayant permis à ses clients d’éviter un renvoi devant une juridiction correctionnelle du chef de diffamation.

  • D’une part, il a été démontré que les faits prétendument dénoncés étaient prescrits, conformément à l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 dont il résulte, qu’en matière de diffamation, les délits se prescrivent par trois mois.

Dans cette affaire, plus de trois mois s’étaient écoulés depuis que les prétendus propos diffamatoires auraient été tenus dans le cadre des conclusions déposées devant le tribunal de commerce et lors de la plaidoirie.

Contrant ainsi l’argumentation des plaignants selon lesquels la prescription de l’action publique avait été interrompue, Maître DALIGAUX a démontré qu’une première plainte avec constitution de partie civile ne saurait avoir un tel effet.

  • D’autre part, le Cabinet Bruzzo-Dubucq a été suivi dans son argumentation par le magistrat instructeur en rappelant qu’il résulte de l’article 43-1 de la loi du 29 juillet 1881 qu’aucune personne morale ne saurait faire l’objet de poursuites pour les infractions relatives au droit de la presse.

En effet, contrairement à ce qu’il n’est pas rare de rencontrer en droit pénal des affaires dit « classique » où des poursuites pénales peuvent être engagées à l’encontre du dirigeant et/ou de ses sociétés en raison des infractions commises par celui-ci pour leur compte, en revanche, en droit pénal de la presse, de telles poursuites ne sauraient prospérer.

  • Enfin, Maître Baptiste DALIGAUX s’est attaché à démontrer que les propos argués de diffamation étaient en réalité couverts par une cause d’irresponsabilité pénale fondée sur la protection des droits de la défense, le respect du droit à un procès équitable[1] et la libre expression judiciaire : l’immunité juridictionnelle.

Il faut à ce titre rappeler que l’article 41 alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881 pose un principe d’immunité des propos tenus dans le cadre des actions judiciaires puisque ne peuvent donner lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, « ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux ».

L’exception faite à cette immunité judiciaire est strictement encadrée par deux conditions cumulatives. Les écrits outrageants doivent être étrangers à la cause débattue, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas justifiés par les droits de la défense, et les parties à la cause doivent impérativement avoir fait réserver leurs droits par le tribunal ayant eu à connaître des propos diffamants, injurieux ou outrageant. A défaut, aucune action en diffamation ne saurait être envisagée.

Au cas d’espèce, cet argument développé par le Cabinet Bruzzo-Dubucq a convaincu les magistrats ayant eu à connaître de ce dossier, certains d’entre eux ayant même retenu que les parties civiles ne pouvant ignorer cette exception, le dépôt de plainte intervenu en dépit de cette immunité serait la signature du caractère abusif et dilatoire de l’action entreprise.

Cette série d’argument a retenu l’attention et emporté la conviction du juge d’instruction qui, refusant de mettre en examen les clients de Maître DALIGAUX, les a placés sous le statut de témoin assisté avant de rendre une ordonnance de non-lieu.

Malgré un appel interjeté de ladite ordonnance, la chambre de l’instruction a fait sienne cette analyse développée au stade de l’instruction.

Elle a notamment jugé, elle aussi, que les faits dénoncés étaient prescrits.

Plus encore, les juges ont relevé que la plainte était abusive et dilatoire, celle-ci ayant pour finalité de ralentir les autres procédures judiciaires en cours, raison pour laquelle ils ont majoré l’amende civile prononcée à l’égard des plaignants.

La décision est désormais définitive.

Outre la satisfaction d’avoir évité à ses clients un renvoi devant le tribunal correctionnel en mettant précocement un terme définitif à cette action pénale, Me DALIGAUX se réjouit de ce que la décision aura également une incidence sur les litiges commerciaux en cours.

En sus d’empêcher les plaignants d’invoquer cette plainte dans le cadre des autres actions, cette décision est par ailleurs susceptible de démontrer au juge civil les velléités dilatoires des adverses qui ont été constatées et relevées par le juge pénal.

« Tel est pris qui croyait prendre » aurait pu dire La Fontaine.

***

Attention donc au formalisme et aux règles procédurales très strictes posées par le droit pénal de la presse.

Prudence également lorsqu’il s’agit de créer des « ramifications » pénales dans les dossiers commerciaux ou prud’homaux.

Maître Baptiste DALIGAUX, associé du cabinet BRUZZO-DUBUCQ au sein du département de droit pénal des affaires, vous accompagne dans vos stratégies contentieuses, que vous soyez en défense ou en partie civile.


[1] Crim. 14 nov. 2006, no 06-83.120.

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