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Restructuring : Jusqu’où peut-on aller dans le remaniement de son entreprise

Écrit par Cédric Dubucq
Publié le 01/08/2021
7 minutes

La restructuration d’entreprise, ou ce que le monde des affaires, friand d’anglicisme, appelle couramment « restructuring », peut englober plusieurs réalités, souvent très différentes et parfois même antinomiques.

Le Larousse définit de façon assez classique la restructuration comme « l’action de réorganiser quelque chose selon de nouveaux principes, avec de nouvelles structures ». Dans la vie des affaires, ce besoin de réorganisation peut survenir à différents moments et pour des raisons assez diverses.

D’une part, ce besoin de réorganisation peut être la traduction de difficultés rencontrées par une entreprise. La restructuration porte alors souvent sur la dette de l’entreprise et entraine généralement une renégociation des contrats de financements avec les établissements bancaires et les créanciers.

D’autre part, une entreprise peut faire l’objet d’une réorganisation alors qu’elle est in bonis et ne fait face à aucune difficulté. Les restructurations trouvent alors leur origine dans des changements économiques ou sociaux qui imposent une transformation dans l’organigramme du groupe ou au sein de l’entreprise.

Enfin, les restructurations d’entreprise peuvent être des étapes intermédiaires, notamment en prévision de cessions.

Cependant, la restructuration d’une entreprise est un processus complexe, et l’ingéniosité, pourtant sans limite des directions juridiques, épaulée par la créativité des conseils, se heurtent à des contraintes légales et règlementaires, lesquelles restreignent, ou du moins encadrent, les opérations de restructurations.

Ces contraintes ont vocation à s’assurer que l’opération de restructuration ne cause pas de préjudices aux partenaires de l’entreprise. Ainsi le droit des sociétés impose des règles d’information des créanciers et le droit du travail s’assure que les salariés ne soient pas lésés par l’opération.

Enfin, les frottements fiscaux liés aux restructurations d’entreprises constituent parfois des limites économiques à ces opérations. Et lorsque le droit fiscal limite l’imposition exigible sur certaines opérations, c’est à la condition que des dispositions plus ou moins contraignantes, soient respectées.

In fine, les opérations de restaurations nécessitent souvent une appréhension complète de la situation et de branches du droit assez diverse car il ne sera pas rare de devoir composer avec de multiples contraintes.

Comme indiqué ci-dessus, et c’est le but de cet article, certaines contraintes sont fréquentes, c’est notamment le cas de la gestion des contrats de travail entre la société et les salariés, ou encore des opérations touchant au capital social de l’entreprise.

Les contraintes posées par le droit du travail

On le sait, dans les entreprises d’une certaine taille les salariés sont au centre de la création de création valeur, il apparait alors comme étant logique que ces derniers puissent faire entendre leur voix lorsque l’entreprise qui les emploie est en mutation.

C’est depuis la fin de la seconde guerre mondiale et l’avènement des droits fondamentaux dits de « deuxième génération », que les grands droits économiques et sociaux tels que le droit de grève, ou le droit au travail ont été consacrés.
Ce sont de ces droits fondamentaux et en s’inspirant de cet esprit que le législateur français a entendu faire participer les salariés à la vie de la société, notamment à travers les organes représentatifs du personnel. Les modalités de représentation salariales en entreprise ont fait l’objet d’une récente refonte puisqu’une des ordonnances Macron, du 22 septembre 2017, a réuni l’ensemble des instances existantes sous une seule et même bannière, celle du CSE, le Comité Social et Économique, obligatoire dans toute entreprise d’au moins onze salariés.

Cette nouvelle instance unique exerce plusieurs missions telles que la promotion de la santé et la sécurité au travail ou encore la transmission des réclamations des salariés à l’employeur.
Par ailleurs, le Code du travail impose à l’employeur de consulter le CSE de façon régulière afin que ce dernier puisse rendre un avis sur la stratégie de l’entreprise, sa situation économique et financière ou encore les conditions de travail, d’emploi et la politique sociale de l’entreprise (article L 2312-17 du Code du travail).

En outre, le comité sociale et économique doit aussi être consulté avant toute restructuration d’entreprise. En effet, le premier alinéa de l’article L.2312-39 du Code du travail dispose que : « Le comité social et économique est saisi en temps utile des projets de restructuration et de compression des effectifs ». Mais c’est aussi le cas pour les licenciements collectifs (article. L 2312-40), les offres publiques d’acquisition ou encore l’ouverture d’une procédure collective.

L’avis qui sera rendu par le CSE n’a pourtant qu’une portée consultation. Ainsi, quand bien il s’opposerait à l’opération de restructuration, il resterait possible de la mettre en place (article L 2312-15 du Code du travail). En revanche, l’absence de consultation préalable du CSE ou la non-communication des informations et documents nécessaire à la consultation est caractéristique d’un délit d’entrave, lequel est puni d’une contravention de 7.500€.

La consultation préalable du CSE n’est cependant pas la seule contrainte posée par le droit du travail en matière de restructuration d’entreprises.

En effet, quel est le sort réservé aux contrats de travail en cas de cession d’une entreprise ?

Le Code du travail est assez clair sur ce point et l’article L 1224-1 instaure le principe du maintien du contrat de travail en cas de changement de propriétaire de l’entreprise.

« Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise ».

Depuis la directive 77/187/CE, le droit du travail entre les pays membres de l’union européenne a été harmonisé et le principe du transfert de contrat de travail est applicable dès lors que les deux parties à la restructuration sont installées dans l’Union européenne.

Le transfert des contrats de travail entraine des conséquences pratiques qui peuvent être couteuses. En effet, le repreneur qui souhaiterait licencier serait alors logiquement soumis aux mêmes obligations que l’employeur initial. Le surcout qui pourrait en découler peut cependant être anticipé par la réalisation d’un audit social réalisée par des professionnels.

Bien qu’assez contraignant sur la forme et pouvant avoir des conséquences relativement couteuses, le droit du travail n’est pourtant pas la seule contrainte qui tend à restreindre les opérations de restructuration.

Les contraintes posées par le droit des sociétés

L’ingénierie sociale sera souvent au cœur des opérations de restructuration. Qu’il s’agisse d’une opération relativement simple telle qu’une augmentation ou réduction de capital, ou d’opérations complexes que sont notamment les fusions, scissions et apports partiels d’actifs, la philosophie du droit des sociétés cherchera généralement à préserver l’intérêt social, l’égalité entre associés et les intérêts des créanciers.

L’opération de réduction de capital est assez révélatrice des limites que fixe le droit des sociétés aux opérations de restructuration. De façon générale on distingue deux types de réduction de capital social d’une société, celles qui sont motivées par les pertes et celles qui ne le sont pas.

Il n’est pas rare que les réductions de capital soient des opérations intercalaires, destinées à épurer le bilan d’une société avant de la céder. Une telle réduction de capital est alors motivée par les dettes, celles que l’on cherche à effacer.

On parle souvent de coup d’accordéon : la société procède à une réduction de son capital en diminuant la valeur nominale de ses titres ou en en annulant une partie (le capital social étant une dette de la société envers ses associés, le passif est alors diminué). On procède ensuite immédiatement à une augmentation de capital par le repreneur généralement, lequel récupère alors une société purgée de certaines dettes.

Attention cependant, cette restructuration des capitaux de l’entreprise doit respecter le principe d’égalité entre les associés. L’article L 225-204 du Code de commerce alinéa 1 précise bien que : « En aucun cas, elle ne peut porter atteinte à l’égalité des actionnaires ». En effet, les opérations portant sur le capital social ne doivent pas avoir pour finalité la dissolution d’associés minoritaires. Au nom de l’égalité entre les associés, le droit des sociétés fixe ici une première limite aux opérations de réduction de capital.

Concernant maintenant les réductions de capital non motivées par les dettes, elles permettent de mettre en évidence une autre préoccupation du droit des sociétés à savoir la préservation des intérêts des créanciers. Il peut arriver, au cours de la vie sociale d’une entreprise, qu’un associé souhaite sortir de la société, sans pour autant vouloir vendre ses titres à un tiers à l’entreprise. Il est alors possible de réaliser une réduction de capital par attribution d’actif.
La société va alors racheter ses propres titres à l’associé sortant avant de les annuler, entrainant de facto une réduction du capital social.

Il convient cependant d’être particulièrement vigilant dans ce type d’opération et de s’assurer que la procédure de réduction de capital a été réalisée conformément aux stipulations du Code de commerce. En effet, il est d’usage de dire que le capital social d’une entreprise représente le « gage des créanciers », et ce, tout particulièrement dans les entités à responsabilité limitée.

Ainsi, le banquier ou le fournisseur qui accordent un prêt ou des délais de paiement à une entreprise ont théoriquement pu s’intéresser au capital social de cette dernière.
On comprend alors bien que la réduction du capital porte une atteinte directe aux intérêts des créanciers. Si un prêt a été accordé à une société disposant d’un capital social de 100.000€, mais que ce capital est finalement réduit à 1.000€, alors les créanciers lésés voient le risque de ne pas être remboursé augmenter.

C’est pour cette raison que le code de commerce impose de déposer le PV votée en AGE et approuvant la réduction de capital au greffe du tribunal de commerce (article L 225-205 pour les sociétés par actions et L 223-34 du Code de commerce pour les SARL).

Le dépôt du PV fait alors courir un délai pendant lequel les créanciers de la société peuvent faire opposition à la réduction de capital. Ce délai est de 30 jours si la procédure concerne une SARL (article R 223-35 du Code de commerce) et de 20 jours pour une société par actions (article R225-152 du Code de commerce).

L’opposition devra être formée devant le tribunal de commerce qui devra alors apprécier si la réduction de capital met effectivement en danger les droits du créancier opposant.

Pour conclure, ces quelques exemples permettent d’illustrer les limites que fixe la loi aux opérations de restructuring et la complexité qui découle de ce type de situations. Les opérations de restructuration mêlant très souvent une pluralité d’intérêts divers, il est essentiel de prendre le temps de les concilier tout en mettant sur pied une stratégie de restructuring qui répondra aux attentes de la société.

Face à un projet de restructuration le Cabinet Bruzzo-Dubucq saura vous apporter conseil sur le montage le plus efficient, tout en s’assurant que vos intérêts et ceux de votre entreprise soient préservés.

 

 

Photo by Anna Boguslavskaya on Unsplash

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