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Baptiste Daligaux

Baptiste Daligaux

Anthony Roustan

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7/04/2025

Les bonnes pratiques en cas de perquisition fiscale

Hybride du droit pénal des affaires et du droit fiscal, la perquisition fiscale, également appelée « droit de visite et de saisie », est un outil puissant dans la lutte contre la fraude qui permet à l’administration fiscale de réunir des éléments de preuves contre les contrevenants qu’elle souhaite poursuivre.

Si vous faites l’objet d’une telle perquisition ou craigniez d’en subir une, il convient d’être très attentif à l’encadrement de cette procédure compte tenu des répercussions qu’elle pourrait entraîner sur l’exercice de vos droits et garanties.

Afin d’appréhender au mieux l’arrivée des agents de l’administration à votre domicile, il est donc essentiel de connaître les démarches à suivre ainsi que les comportements à adopter.

Les pôles fiscalité et droit pénal des affaires du cabinet Bruzzo Dubucq vous proposent un accompagnement dans ce domaine et une orientation sur les différents droits et garanties dont vous disposez face à l’administration fiscale.  

I –  JE FAIS L’OBJET D’UNE PERQUISITION : QUELLES SONT LES RÈGLES ?

1. Qu’est-ce qu’une perquisition fiscale et pourquoi est-elle réalisée ?

La perquisition fiscale (article L.16 B du Livre des procédures fiscales) permet d’accorder à l’administration, sous des conditions et modalités spécifiques, un droit de visite et de saisies pour la recherche des infractions en matière d’impôts directs et de taxe sur la valeur ajoutée.

En pratique, la perquisition se caractérise par la réalisation d’une visite à votre domicile ou dans vos locaux professionnels par les agents habilités de l’administration.

Logiquement, elle s’accompagne de la saisie de documents fiscaux prouvant les agissements frauduleux.

En cela elle se rapproche, tant par sa nature que par son régime, des perquisitions habituellement réalisées en matière pénale.

2. Différencier « perquisition fiscale » et « contrôle fiscal inopiné »

Afin de déterminer si vous êtes concerné(e) par la situation mentionnée ci-dessus, il est nécessaire de faire la distinction entre perquisition fiscale et contrôle fiscal inopiné, deux notions très souvent confondues.

Le contrôle fiscal inopiné est plus « limité » quant à ses effets puisqu’il permet à l’administration fiscale de procéder à de simples constatations matérielles, comme la vérification de l’existence d’une comptabilité lors de visites « surprises » au sein des locaux d’une entreprise. Les agents des impôts peuvent constater à cette occasion l’existence de moyens de production, de matière première, de stocks, de documents comptables. Ils peuvent également effectuer un inventaire des valeurs en caisse ou encore dresser un relevé sur les prix pratiqués.

Si vous êtes concerné(e) par un contrôle fiscal inopiné, il est néanmoins primordial de rester vigilant face à l’éventualité d’une perquisition fiscale.

3. Vérifier qu’une autorisation a été délivrée par le magistrat compétent

Avant toute visite domiciliaire, l’administration doit solliciter l’autorisation auprès du Juge des Libertés et de la Détention (« JLD ») et porter à sa connaissance, à l’appui de cette demande, les éléments probants laissant présumer des manquements graves qui justifient le recours à cet acte coercitif.

Il est important de garder à l’esprit que chaque visite doit obligatoirement être homologuée par une ordonnance du JLD, sans quoi la procédure se verrait irrégulière.

Le JLD saisi est celui du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter (article L.16 B II LPF).

La méconnaissance de ces formalités est susceptible d’entraîner la nullité des opérations de perquisitions. Si vous estimez que les manquements reprochés ne sont pas (ou mal) justifiées, vous aurez donc la possibilité de les contester de deux manières, que nous examinerons plus en détail dans la suite de cet article.

Après la saisine de l’autorité judiciaire, des agents de l’administration ayant au moins le grade d’inspecteur seront nommés afin de rechercher la preuve des agissements frauduleux en effectuant des visites en tout lieu, même privé, où les pièces et documents s’y rapportant sont susceptibles d’être détenus ou d’être accessibles ou disponibles et procéder à leur saisie, quel qu’en soit le support(article L.16 B LPF).

4. Contrôler le contenu de l’autorisation délivrée par le juge des libertés et de la détention

En délivrant son autorisation, le JLD est tenu de justifier des éléments de fait et de droit qu’il retient et qui laissent présumer l’existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée.

En outre, le juge est chargé de vérifier que la demande d’autorisation qui lui est soumise est fondée, c’est-à-dire qu’elle inclut toutes les informations dont dispose l’administration fiscale pour justifier de la visite, et notamment :

  • L’adresse des lieux à visiter,
  • Le nom et la qualité du fonctionnaire habilité qui a sollicité et obtenu l’autorisation de procéder aux opérations de visite,
  • L’autorisation donnée au fonctionnaire qui procède aux opérations de visite
  • La mention de la faculté pour le contribuable de faire appel à un conseil de son choix.

La méconnaissance de ces formalités est susceptible d’entraîner la nullité des opérations de perquisitions donc vous pourrez, le cas échéant, solliciter postérieurement l’annulation.

Une fois autorisée, la perquisition s’effectue sous la supervision d’un officier de police judiciaire (OPJ) nommé par le JLD afin d’assurer le respect de la procédure.

En tant que contribuable, vous ne disposez pas du droit d’être informé en amont de la réalisation d’une perquisition. En effet, l’ordonnance rendue par le JLD vous est notifiée sur place, verbalement au moment de la visite (article L.16 B LPF).

Bien que vous ne puissiez pas en être informé en amont du moment où interviendra la perquisition, les heures durant lesquelles celle-ci peut avoir lieu au sein de votre domicile sont strictement encadrées. Ainsi, la visite ne peut débuter avant six heures ni après vingt et une heures (article L.16 B LPF). Néanmoins, une perquisition ayant commencé avant vingt et une heures peut toutefois se terminer après cette heure.

En tant qu’occupant des lieux, vous devez être présent lors de la perquisition ou votre représentant, si jamais vous êtes dans l’impossibilité d’y être. À défaut, l’OPJ sera chargé de requérir deux témoins choisis en dehors des personnes relevant de son autorité.

A défaut, là encore, les opérations réalisées en méconnaissance de ces règles impératives sont susceptibles d’entraîner la nullité de la procédure et vous pourrez le solliciter ultérieurement.

II – JE FAIS L’OBJET D’UNE PERQUISITION : QUELS SONT MES DROITS ?

1. Vos droits pendant la perquisition

La faculté de recourir à un conseil de votre choix : Durant la perquisition, vous êtes entièrement libre de faire appel à un conseil de votre choix (article L. 16 B LPF). Vous avez donc la possibilité de contacter votre avocat dès le début des opérations de perquisition.

La prise de connaissance de l’autorisation du JLD : comme évoqué précédemment, votre domicile ne peut être perquisitionné que sur autorisation d’un juge impartial et indépendant, vous protégeant ainsi d’une violation arbitraire ou irrégulière de votre domicile et de votre vie privée. C’est la raison pour laquelle l’ordonnance du JLD doit être portée à votre connaissance sur place lors de la visite. En outre, celle-ci doit être motivée en droit et en fait afin de garantir une certaine transparence de la décision prise à votre égard.

Le respect de votre secret professionnel et des droits de la défense : Tout au long de la perquisition, l’OPJ doit veiller au respect du secret professionnel et des droits de la défense du contribuable, conformément aux garanties légales (article L. 16 B LPF).

La nécessité d’obtenir votre accord au recueil de renseignements : Au cours de la visite, les agents de l’impôt habilités peuvent recueillir sur place, avec votre consentement ou celui de l’occupant des lieux (ou de son représentant), des renseignements et justifications concernant vos agissements. Ce consentement doit être mentionné dans un compte rendu annexé au procès-verbal (L16 B, III bis. LPF).

L’établissement d’un procès-verbal : Dressé sur-le-champ par les agents de l’administration, un procès-verbal relate les modalités et le déroulement de l’opération, les constatations effectuées et détaille l’inventaire des pièces et documents saisis. Ce document vous sera présenté afin que vous puissiez vérifier les informations qu’il contient et il doit être signé par les agents de l’administration, l’OPJ, l’occupant des lieux ou son représentant et vous-même.

La limitation de l’accès aux documents saisis : Seuls les agents des impôts habilités, l’OPJ et l’occupant des lieux ou son représentant peuvent prendre connaissance des pièces et documents avant leur saisie (article L. 16 B LPF).

2. Vos droits à l’issue de la perquisition :

Le délai de restitution des pièces : Les pièces et documents saisis doivent vous être restitués dans les six mois suivant la visite (article L. 16 B LPF) ou à défaut, à l’occupant des locaux. Cependant, si vous faites l’objet de poursuites pénales, la restitution est dans ce cas autorisée par l’autorité judiciaire compétente.

L’opposabilité des informations recueillies : L’administration ne peut vous opposer les informations recueillies que si elle vous a restitué les pièces et documents saisis et mis en oeuvre les procédures de contrôle (article L. 16 B VI. LPF). Dans cette optique, vos droits seront préservés avant toute utilisation de ces éléments à votre encontre.

Toutefois, si après 30 jours suivant la mise en demeure que vous avez reçue, accompagnée d’un récapitulatif des diligences accomplies par l’administration pour la restitution des pièces saisies, celles-ci n’ont pas pu être restituées de votre fait, l’administration pourra alors vous opposer ces informations dès la mise en œuvre des procédures de contrôle (article L. 16 B VI. LPF).

III – J’AI FAIT L’OBJET D’UNE PERQUISITION : QUELLES SONT MES VOIES DE RECOURS ?

À l’origine, en matière de recours contentieux, l’ordonnance du JLD autorisant la perquisition n’était susceptible que d’un pourvoi en cassation non suspensif.

Depuis l’arrêt Ravon c/ France rendu le 21 février 2008 par la Cour européenne des droits de l’homme (n°18497/03), les droits de recours du contribuable en cas de perquisition ont été nettement renforcés. Désormais, l’ordonnance peut faire l’objet d’un appel devant le premier président de la cour d’appel dans le ressort de laquelle le juge a autorisé la mesure.

Le contribuable dispose dorénavant de deux recours distincts. Il peut :

  • Soit contester l’ordonnance du JLD ayant autorisé la perquisition ;
  • Soit contester les modalités de déroulement des opérations de visite et de saisie.

Cette double voie de recours consiste en un appel non suspensif qui doit être formé suivant les règles prévues par le code de procédure civile, dans un délai de 15 jours qui court à compter de la remise ou de la réception soit du procès-verbal, soit de l’inventaire (article L. 16 B LPF).

L’ordonnance du premier président de la cour d’appel demeure toujours susceptible d’un pourvoi en cassation dans un délai de 15 jours, selon les règles prévues par le code de procédure civile. L’ordonnance doit mentionner les délais et voies de recours, conformément à l’article L. 16 B LPF.

***

Si le recours à la « perquisition fiscale » se développe, celle-ci fait néanmoins l’objet d’un encadrement procédural stricte.

Le recours à l’autorisation préalable du juge des libertés et de la détention, la faculté de se faire assister d’un conseil dès le début de la mesure, ou encore la possibilité de contester par voies contentieuses les opérations réalisées ou les documents saisis sont autant de droits dont doit user le contribuable.

Dans cette opposition entre le droit au respect du domicile et l’objectif de lutte contre la fraude fiscale, il est nécessaire de bénéficier d’un soutien juridique constant tout au long de cette procédure.

Une maîtrise approfondie et une connaissance précise de vos droits sont dès lors essentielles pour assurer au mieux la défense de vos intérêts.

Le cabinet BRUZZO DUBUCQ, notamment Maître Anthony ROUSTAN et Maître Baptiste DALIGAUX, se tiennent ainsi à votre disposition pour vous accompagner tout au long de cette procédure et garantir la protection de vos droits.

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