2 février 2021

Faut-il en finir avec la méfiance vis-à-vis des holdings ?

Le nombre de holdings a explosé en France au cours des deux dernières décennies. Antérieurement ce schéma était réservé à quelques grands groupes internationaux. Désormais le recours à la holding dans des PME familiale est devenu fréquent. La notion de holding n’est pas définie en droit des sociétés, et elle est ignorée du Code civil et du Code de commerce. C’est historiquement le droit fiscal qui a reconnu le concept en proposant notamment des régimes de groupe de sociétés. La contradiction entre l’explosion des sociétés holdings et l’absence de compréhension qui se traduit par une méfiance vis-à-vis des holdings est frappante. Faut-il donc en finir avec la méfiance vis-à-vis des holdings ?

 

Qu’est-ce qu’une holding?

Une holding est une société qui détient des titres de participation dans une ou plusieurs sociétés dans le but de la contrôler. Il s’agit avant tout d’un objet social. Il y en existe deux formes : la holding dite passive dont l’objet exclusif est la détention et la gestion de valeurs mobilières. Son activité sera alors qualifiée de civile, et la holding dite active qui, en plus de la détention et de la gestion de portefeuilles, exerce une activité commerciale propre comme la gestion financière.

Qualifiée également de « société mère », la holding se distingue comme une société qui détient des actions plusieurs entreprises pouvant appartenir à différents secteurs, dans le but d’y obtenir l’unité de direction. Dans ce cadre, la participation financière de la société holding doit être majoritaire (excéder 50% des actions ou des parts sociales des entreprises pour les contrôler.)

La société holding a un effet de levier juridique. Une ou plusieurs personnes physiques, associés ou actionnaires, mêmes minoritaires, dans de nombreuses sociétés, peuvent créer cette forme de société en vue de consolider leurs parts ou actions au sein d’une même société morale et accroître leur pouvoir dans ces sociétés.

 

Pourquoi existe-t-il un scepticisme vis-à-vis des sociétés holdings?

Traditionnellement, les sociétés holdings sont des montages juridiques qui appartiennent à des grands groupes. Les structures juridiques étant souvent incompréhensibles pour ceux qui ne s’y connaissent pas. En plus, la pratique a fait des sociétés holdings l’objet d’une méfiance particulière. Les montages juridiques et fiscaux permettent des activités et pratiques pour le moins douteuses. Il faut raisonner en deux temps pour expliquer la méfiance vis-à-vis des holdings: la pratique et l’absence de transparence sur leur fonctionnement.

Les sociétés engendrent le risque de surcapitalisation. Il s’agit de l’excédent de capitaux disponibles qui dépasse les besoins de renouvellement des actifs ou à créer et cela en présence de diverses opportunités financièrement avantageuses selon la considération de celui qui contrôle l’entité surcapitalisée. Le capital de la holding et les sociétés qui la composent est mis ensemble ce qui a pour effet une baisse des dividendes versés aux actionnaires.

Un deuxième point de repère est l’abus de pouvoir. Les engagements financiers de la société holding ne sont pas importants lorsqu’ils sont comparés à leur pouvoir financier. Le poids économique d’une seule société holding est susceptible de dépasser le PIB d’un état. Ainsi, la concentration de pouvoir d’une seule entité provoque un usage particulier de celui-ci, surtout vis-à-vis les sociétés filles de la société. En effet, l’exploitation des sociétés qui composent la holding est un phénomène de plus en plus répandu. Elle peuvent être obligées d’acheter des biens à la société à un prix supérieur à celui du marché, et de revendre à un prix nettement inférieur.

A côté d’une explication technique, le scepticisme vis-à-vis des holdings est surtout lié à l’absence de clarté sur le fonctionnement des holdings. Il s’agit de montages fiscaux, souvent très techniques. Cette technicité juridique a pour effet un défaut de compréhension auprès du public, et génère des questions. La méfiance découle de l’obscurité autour des entités, et les holdings limitent elles-mêmes la transparence et la communication sur leur fonctionnement et constitution.

 

Est-ce qu’il y a des motivations légitimes à l’origine de la constitution d’une holding?

Les intérêts de constituer une holding sont, en réalité, multiples. Les holdings offrent des avantages fiscaux, elles sont un instrument de maintien du contrôle et sont un outil de création d’une structure organisée. Ces utilités gestionnaires et fiscales peuvent également être utilisées  sur une échelle personnelle, donnant ainsi un intérêt à toute personne ayant un patrimoine suffisant.

La fiscalité des holdings repose sur deux options offertes aux sociétés : le régime des sociétés mères-filles et le régime de l’intégration fiscale. Le régime des sociétés mères-filles permet à la holding d’être le réceptacle des dividendes avec un régime fiscal privilégié. Ceci constitue un effet de levier financier et de transmission d’entreprise. Ce régime des sociétés mères-filles permet d’éviter la double imposition des bénéfices réalisés par la filiale puis distribués par la mère. En effet, la société mère est ici exonérée d’impôt. Ce mécanisme présente un effet de levier financier considérable. En plus, le mécanisme de l’intégration fiscale permet de faire la somme des résultats de chaque société du groupe de manière à faire ressurgir une imposition unique. Ce régime permet d’utiliser les pertes des sociétés du groupe afin de diminuer les bénéfices des autres, ce qui par conséquent diminue le poids de l’impôt sur les sociétés.

Elles sont aussi instrument de maintien du contrôle. Souvent, des entreprises familiales sont menacées de disparaître ou d’éclater par la pression des héritiers qui poursuivent des buts différents. Pour éviter un risque de dispersion des titres, le recours à une holding se révèle être une alternative judicieuse afin de donner le pouvoir à un enfant tout en respectant l’égalité dans la valeur des parts transmises. Il est également envisageable de créer des droits de vote doubles au profit des seuls repreneurs. L’un des principaux attraits de la société holding est qu’il est possible de dissocier le capital et le pouvoir.

La holding est outil de création d’une structure organisée au sein d’un groupe car sa création va permettre de générer une politique commune entre les différentes sociétés en concentrant le pouvoir, en déterminant des services communs et en fixant des objectifs et les budgets. Cette structure va aussi permettre de favoriser les flux financiers entre les différentes sociétés du groupe. Ainsi, il sera possible d’utiliser éventuellement la trésorerie d’une société en excédent afin de financer une société du groupe en difficulté.

Pour répondre à la question s’il faut finir avec la méfiance vis-à-vis des holdings, il convient de préciser que l’application de ce régime n’est pas réservée aux grandes sociétés internationales. Les holdings peuvent être implantées sur une échelle personnelle. Une holding familiale offre les mêmes avantages et grâce à des holdings, il est possible de contrôler une société sans détenir la majorité des titres de celles-ci. Le concept d’une société holding vise bien évidemment à simplifier la gestion et les orientations des différents groupe en assurant une certaine cohérence. Au-delà de l’utilité fiscale et opérationnelle de la holding, elle peut être un moyen de simplification.

Dernièrement, la pratique des sociétés holdings est de plus en plus encadrée et réglementée. Si, par exemple, les prélèvements du holding sur la filiale deviennent excessifs et qu’ils mettent en danger l’équilibre financier, les actionnaires minoritaires de la cible pourront invoquer devant la justice la notion d’abus de majorité. Dans l’hypothèse où les prélèvements excessifs aboutissent à la cessation des paiements de la filiale, la responsabilité du holding pourra être engagée au titre de l’extension du redressement judiciaire.

Pour conclure, les holdings souffrent d’une méfiance qui réside en un manque de renseignements. Si elles peuvent être utiles à des groupes internationaux comme aux entreprises familiales, cette structure juridique n’est à l’heure actuelle pas optimisée. Les avantages étant multiples, une meilleure opacité permettrait d’optimiser le recours à ce type de structure car la méfiance vis-à-vis des holdings n’est pas juridiquement fondée.

 

Photo by Scott Webb on Unsplash

David Ybert de Fontenelle

David Ybert de Fontenelle

Virginie Cadouin

Virginie Cadouin

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