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Le juge face à l’obligation de mise en garde du banquier lors de l’octroi d’un prêt

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Publié le 11/03/2016
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Le régime de l’obligation de mise en garde des banquiers a fait l’objet d’un travail judiciaire important au cours de la dernière décennie. À ce titre, une décision rendue le 9 février 2016 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation et publiée au bulletin a tenté de mieux en définir les contours.

En l’espèce, deux époux contractent un prêt bancaire pour faire face, notamment, à des dettes pré-existantes vis-à-vis d’établissements de crédit. Dans l’incapacité de rembourser les nouvelles dettes échues, ils sont mis en demeure d’exécuter leurs engagements. En réaction, les deux époux assignent l’établissement de crédit en annulation du contrat de prêt ainsi qu’en paiement de dommages et intérêts. 

Les époux estimaient que le consentement à l’emprunt était vicié du fait d’une réticence dolosive imputable à l’établissement bancaire, celui-ci étant selon eux pertinemment au fait de leur impossibilité à rembourser leurs dettes. Ainsi, cela justifiait l’annulation du contrat de prêt

La Cour de cassation en rejetant logiquement le pourvoi, approuve la décision rendue en appel et revient sur la distinction fondamentale entre l’obligation de mise en garde pesant sur le banquier et dol (articles 1109 et 1116 du Code Civil). En affirmant dans son attendu de principe que « ne constitue pas un dol le seul manquement de l’établissement de crédit à son devoir de mise en garde », la chambre commerciale met en valeur la différence de nature qui existe entre ces deux notions. Alors que l’annulation d’un contrat pour dol nécessite  la preuve d’agissements malhonnêtes destinés à provoquer une erreur de nature à vicier le consentement (Cass civ 1 10 juillet 1995 note Chauvel),  le manquement à l’obligation de mise en garde doit, lui, être défini comme une simple omission de contrôle des capacités financières du client (Cass., ch Mixte, 29 juin 2007 note Piedelièvre). Dès lors, en l’absence de preuve de cette intention de tromper (Cass.Soc., 5 décembre 1952), les juges d’appel ne pouvaient pas qualifier ce manquement de dol.

Dans un même temps, les requérants réclamaient le paiement de dommages et intérêts justifié par une méconnaissance de la même obligation de mise en garde par l’établissement de crédit quant aux risques d’un défaut d’assurance. A ce titre, le motif du rejet de la Cour de cassation à cette demande interpelle : interrogée sur un éventuel manquement du banquier à cette même obligation de mise en garde, la Cour de cassation répond sur le terrain du devoir de conseil en affirmant que « l’établissement de crédit qui consent un prêt [n’est] pas tenu à l’égard de l’emprunteur d’un devoir de conseil sur l’opportunité de souscrire une assurance facultative ». La deuxième chambre civile avait pourtant, dans un arrêt du 14 juin 2007 rappelé la double obligation fondée sur l’article 1147 du Code Civil pesant sur le banquier dans le cadre des assurances souscrites à l’occasion d’un prêt. Ainsi, une obligation de vigilance consistant à s’assurer que l’emprunteur qui s’engage à souscrire auprès d’un assureur choisi par ses soins s’articule normalement avec une obligation, si le banquier décide de passer outre le défaut d’assurance, de mise en garde. Celle-ci vise alors à éclairer l’emprunteur sur les risques d’un défaut d’assurance afin que ce dernier puisse contracter en connaissance de cause. Sous réserve d’être reconnu comme emprunteurs non-avertis, les époux auraient donc pu prétendre à des dommages et intérêts.

Cette décision, non exempte de toute critique, a au moins le mérite d’appeler à un comportement plus réfléchi et moins négligeant de la part du futur emprunteur.

 

                                                                                                                                                                                                                              Eizer Souidi

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