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Précisions sur les difficultés de céder un fonds de commerce bénéficiant d’une autorisation provisoire d’occupation du domaine public.

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Publié le 11/07/2016
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Il ne fait aucun doute que la douceur d’Aix en Provence et son art de vivre sont intrinsèquement liés aux nombreuses terrasses ensoleillées où s’entremêlent étudiants, hommes de l’art ou gens de robes, entre autres. Ces derniers sont d’ailleurs fréquemment appelés à céder, ou acquérir, pour le compte de leurs clients, ces établissements où il fait si bon vivre.

Dans sa mission de rédacteur d’acte, l’Avocat se doit, à l’image de la femme de César, d’être à l’abri de tout soupçon, et ne peut ignorer la règlementation urbaine, et plus précisément les tenants et aboutissants d’une autorisation d’exploiter provisoirement le domaine public[1].

Précisons a toutes fins utiles que le statut des baux commerciaux s’applique aux baux de locaux stables et permanents dans lesquels est exploité un fonds de commerce ou un fonds artisanal, ces fonds se caractérisant par l’existence d’une clientèle propre au commerçant ou à l’artisant.

Il est intéressant de noter que pendant longtemps, la question de l’existence d’un fonds de commerce sur le domaine public n’a pas fait l’objet d’une réponse parfaitement claire de la part de la jurisprudence[2].

Cela s’explique pour une large part par la confusion entretenue à tort entre le droit au bail et la notion de fonds de commerce[3].

La question de la compatibilité de la notion de fonds de commerce avec le régime de l’occupation temporaire du domaine public semble toutefois en passe d’être réglée (1). Nous verrons ensuite les différents moyens que peut invoquer l’acquéreur d’un fonds lorsque le « droit de terrasse » n’est pas renouvelé (2), et enfin les incidences de l’occupation du domaine public sur l’indemnité d’éviction en cas de non reconduction du bail (3).

Sur l’incompatibilité existant entre une occupation du domaine public et un fonds de commerce

A la faveur d’une décision rendue par le Conseil d’Etat, il a en effet été jugé qu’en raison du caractère révocable et personnel du titre d’occupation temporaire, l’occupant du domaine public ne pouvait pas y constituer un fonds de commerce dont il serait le propriétaire[4].

Cette incompatibilité est la conséquence logique de la prohibition de la condition d’un bail commercial sur le domaine public rappelée encore récemment par la Cour administrative d’appel de Marseille[5].

Par conséquent, le rédacteur d’acte ne peut en tout état de cause faire comprendre dans les éléments du fonds de commerce une autorisation temporaire d’occuper le domaine public.

En d’autres termes, le droit de terrasse, personnel, incessible et caduc de plein droit lors de la cession du fonds, ne peut entrer dans les éléments constitutifs du fonds de commerce cédé, limitativement énumérés par l’acte de cession.

Se pose alors l’épineuse question du refus par la mairie de reconduire l’autorisation de terrasse ouverte dont bénéficiait son vendeur, sachant que cette autorisation ne figure pas dans les éléments du fonds cédé.

Sur les incidences de la non-reconduction de l’autorisation par la Mairie

Dans un arrêt rendu par la Cour d’Appel de Paris, l’acquéreur du fonds avait agi en résolution ou en nullité de la vente du fonds, sur le fondement de l’article 1110 du Code civil, en invoquant la réticence dolosive du vendeur à l’origine de son erreur sur la qualité de la chose vendu.

En vain…

La Cour d’Appel de Paris n’a pas retenu ces arguments[6], et a rejeté les demandes de l’acquéreur, tout en confirmant le droit à la réparation du préjudice subi à l’encontre du professionnel rédacteur d’acte.

En l’espèce, le vendeur avait néanmoins pris soin de demander à la mairie le renouvellement au profit de son successeur de l’autorisation d’ouverture en terrasse dont il bénéficiait lui-même depuis seize ans.

Mais cette demande se heurtait à deux obstacles :

En premier lieu, l’autorisation d’exploiter le domaine public ne figurait pas parmi les éléments constitutifs du fonds.

Par conséquent le grief relatif à l’erreur sur les qualités substantielles, qui n’ont pas été précisées, ne pouvait également prospérer.

En second lieu,  s’agissant de la réticence dolosive ayant provoqué une telle erreur, ce grief est également rejeté fermement par la Cour, en raison de l’essence même de l’autorisation litigieuse qui était « personnelle, incessible et caduque de plein droit lors de la cession du fonds», selon les termes mêmes du contrat.

Il convient donc d’être particulièrement vigilant sur la rédaction d’un tel acte, en précisant en tant que de besoin les caractéristiques de l’autorisation, et en prenant le soin de ne pas l’inclure dans les éléments composant le fonds cédé.

A défaut, la responsabilité du rédacteur d’acte pourra inévitablement être engagée.

[1] Sur l’ensemble de cette question voir le Rapport sur.. « L’appréhension du fonds de commerce par les politiques publiques : activités commerciales, prérogatives publiques et développement local », in Le fonds de commerce (1909-2009) : un centenaire à rajeunir, Association Droit et Commerce, 4-5 avr. 2009, Gaz. Pal. 2009, doct., p. 1752
[2]  Rezenthel D., Le fonds de commerce et la domanialité publique, Quot. jur. 22 déc. 1987, p. 2; de David Beauregard-Berthier O., Fonds de commerce et domaine public, AJDA 2002, p. 790
[3] Rezenthel D., L’exploitation d’un fonds de commerce sur le domaine public : vers la fin d’un malentendu, Gaz. Pal. 1998, 1, doct., p. 196)
[4] CE, 19 janv. 2011, no 323924, Commune de Limoges, RLCT 2011/69, no 1943, voir p. 35

, à paraître aux tables du Rec. CE).
[5]  CAA Marseille, 24 janv. 2011, no 0900172, Commune Escaro-Aytua, , RLCT 2011/69, no 1943, voir p. 35
[6] C. Paris (1re ch., sect. A), 10 juin 2003 ; Viola c. Isabelle Rave et SELARL Rave, époux Maricot, Me Besse, SELAFA Chevalier-Cassagne et SA Société Générale – M. Grellier, prés. ; M. Savatier, Mme Pénichon, cons. – Mes Cervoni, Richard, Schrimpf, Séjourné-Boursot, av. ; SCP Taze-Bernard-Belfayol-Broquet, SCP Bommart-Forster, SCP Bernabé-Chardin-Cheviller, SCP Hardouin, avoués.

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