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Le dirigeant ayant mis en œuvre une résolution votée par l’Assemblée générale n’est pas de ce seul fait exonéré de sa responsabilité.

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Publié le 11/22/2016
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La question soulevée dans l’arrêt commenté intéressera dirigeant de sociétés et associés.

Le dirigeant qui ne fait que mettre en œuvre une résolution de l’assemblée générale peut-il néanmoins voir sa responsabilité engagée ?

Autrement dit, le seul fait que le dirigeant ait obtenu un vote favorable de l’assemblée pour mettre en œuvre une décision suffit-il à le mettre à l’abri du point de vue de l’engagement de sa responsabilité ?

C’est à cette question qu’est venue répondre un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 08 mars 2016[1].

En l’espèce une société exploitant un cabinet d’expertise comptable prend la décision de vendre le cabinet en question moyennant un prix de 300 000 euros. La décision de vendre ainsi que le prix de cession furent avalisés par un vote de l’assemblée générale des actionnaires.

Estimant que ce prix de 300 000 euros était dérisoire, un associé minoritaire décide d’agir contre le dirigeant et la société, en réparation du préjudice subi.

L’associé minoritaire ne pouvait soutenir qu’un abus de majorité avait été commis. Si la décision avait bien été prise par les majoritaires, il était difficile de soutenir qu’elle l’avait été à leur avantage, dans la mesure où le prix de cession avait été minoré (il est d’ailleurs fort probable qu’un prix de cession occulte ait été convenu entre les parties).

L’associé minoritaire choisissait une autre option, plus convaincante, et attaquait le dirigeant sur le fondement de la faute de gestion. Le minoritaire obtenait gain de cause devant la cour d’appel.

Le dirigeant condamné faisait valoir qu’aucune faute de gestion ne pouvait lui être reprochée dès lors qu’il avait été autorisé par l’assemblée générale à accomplir la cession au prix de 300 000 euros.

Faisant une application, certes détournée, de l’article L. 225-253 du Code de commerce, la Cour de cassation est venue dire que le dirigeant n’était pas « couvert » par un simple vote de l’assemblée[2].

Il s’agit d’une application détournée de l’article dans la mesure où cet article s’applique en principe au cas ou les statuts ou un vote ultérieur de l’assemblée viendrait interdire à l’associé d’agir en responsabilité, ce qui n’est bien sûr pas permis. Ici, les juges se sont placés avant l’opération et viennent nous dire que peu importe qu’elle est été autorisée ou non, seul compte le fait que le dirigeant a bien commis une faute de gestion. Dès lors qu’elle est constatée, l’associé minoritaire est fondé à agir en responsabilité.

La décision commentée est d’importance, bien que non publiée au bulletin. En effet on savait qu’une décision ultérieure des associés ne pouvait tenir en échec l’action sociale engagée par un associée pour rechercher la responsabilité du dirigeant.

Ici les juges viennent nous dire très clairement qu’il est sans importance que les associés se prononcent  avant ou après que l’associé mécontent est introduit son instance. Cette décision est vouée à l’échec dans la mesure où la responsabilité du dirigeant est d’ordre public[3].

Cette décision mérite selon nous d’être approuvée à deux points de vue.

En opportunité d’abord. En effet, on imagine bien qu’en pratique un associé gérant majoritaire ne souhaite se prémunir de toute action en responsabilité en se contentant d’organiser un vote préalable sur une décision potentiellement dommageable. Dans ces conditions il pourrait sans risque prendre une décision défavorable aussi bien à la société qu’à l’associé minoritaire, sans que ce dernier ne puisse faire valoir ses droits.

En droit également, cette solution nous semble fondée. Elle nous paraît garante en effet de l’intérêt social. En effet il est constant que cette notion n’est pas laissée à la libre appréciation des associés. La solution est d’ailleurs heureuse car les intérêts de la société peuvent diverger de ceux de ses associés.

D’autre part la solution nous paraît cohérente avec l’esprit de l’article L 225-253 du Code de commerce. Le texte fait obstacle à ce que les associés ou les statuts ne puissent priver l’associé le souhaitant d’agir en responsabilité contre le dirigeant. La solution nous paraît bienvenue car elle permet d’éviter qu’un associé gérant majoritaire ou simplement la majorité des associés ne vienne couper l’herbe sous le pied de l’associé souhaitant agir en tentant de se prémunir par un vote préalable de l’assemblée générale.

Nous approuvons par conséquent la solution.

Il reste désormais simplement à savoir si cette solution sera généralisée, ou bien s’il s’agit simplement d’un arrêt d’espèce venant sanctionner le dirigeant peu scrupuleux, tant il paraît probable qu’un complément de prix occulte ait ici était versés, lors de la vente de ce cabinet d’expertise comptable pour un montant de 300 000 euros.

[1] Cass., com 08/03/2016 n°14-16.621
[2] Sur cette application détournée du texte, voir S. SHILLER L’autorisation de l’assemblée générale n’exonère pas la responsabilité du dirigeant BJS n°09, p. 475
[3] A ce sujet, voir M. ROUSSILLE Ratification d’une vente de société à bas prix par l’assemblée: décharge de responsabilité ne vaut Dr. des sociétés n° 08-09 Août 2016, comm n° 143

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