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Réforme du droit des contrats : l’introduction du déséquilibre significatif dans le Code civil

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Publié le 02/22/2017
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Jusqu’à l’entrée en vigueur, le 1er octobre dernier, de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, la notion de déséquilibre significatif n’existait que dans deux textes spécifiques : d’une part, le Code de la consommation qui, en son nouvel article L. 212-1 (ancien art. L. 132-1), répute non écrites les clauses abusives des contrats conclus entre professionnels et consommateurs et, d’autre part, le Code de commerce qui sanctionne, sur le terrain de la responsabilité, les clauses créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties à un contrat conclu par un producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers avec un partenaire commercial (C. com. art. L. 442-6, I-2°).

               Désormais, le nouvel article 1171 du Code civil introduit le déséquilibre significatif dans le droit commun des contrats. Il permet d’écarter toute clause créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties (art. 1171, al. 1). La mise en jeu de cette nouvelle disposition suppose que l’appréciation du déséquilibre significatif :

  • ne doit pas porter sur l’objet principal du contrat (art. 1171, al. 2) ;
  • ne peut pas porter sur l’adéquation du prix à la prestation (art. 1171, al. 2), car cela reviendrait à admettre la prise en compte de la lésion, ce qu’interdit le nouvel article 1168 du Code civil.

La rédaction choisie de ce nouveau texte donne a priori à penser que son interprétation s’inspirera davantage de la jurisprudence rendue sur le fondement de l’ancien article L. 132-1 du Code de la consommation, ce que laisse d’ailleurs entendre le rapport au président de la République accompagnant l’ordonnance du 10 février 2016 dont est issue la réforme. En effet, tant le nouvel article 1171 du Code civil que l’ancien article L. 132-1 du Code de la consommation visent la clause ou les clauses créant un déséquilibre significatif, tandis que l’article L. 442-6, I-2° du Code de commerce oblige à apprécier l’ensemble des droits et obligations découlant d’un contrat ou d’une relation commerciale pour caractériser le déséquilibre significatif (Cass. Com, 3 mars 2015, n° 13/27525). En outre, les deux textes prévoient la même sanction, à savoir que la clause créant le déséquilibre significatif est réputée non écrite. Par conséquent, elle n’est pas opposable au cocontractant victime du déséquilibre. Cette sanction, particulièrement lourde, est toutefois sans incidence sur les autres stipulations du contrat qui demeurent applicables en l’état, sans pouvoir être modifiées par le juge.   

Par ailleurs, il convient de préciser que la réforme limite la portée de cette nouvelle règle aux contrats d’adhésion conclus à compter du 1er octobre 2016. Ces contrats, qui s’opposent aux contrats de gré à gré, désignent ceux dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties (C. civ. art. 1110 nouveau). Compte tenu de l’enjeu de la qualification, la notion de contrat d’adhésion fera certainement l’objet d’un contentieux abondant. Cependant, l’on peut d’ores et déjà supposer que la qualité des parties ne sera pas un critère de distinction entre contrat d’adhésion et contrat de gré à gré, si bien qu’un contrat conclu entre deux entreprises pourra être considéré comme un contrat d’adhésion dès lors que l’une d’elles aura accepté sans discussion les conditions proposées par l’autre. Faudra-t-il que la discussion soit impossible, le destinataire de l’offre n’ayant d’autre alternative que d’adhérer ou de renoncer au contrat, pour que le contrat soit qualifié d’adhésion ? Le fait que les conditions générales du contrat soient, aux termes du nouvel article 1110, « soustraites » à la négociation peut le laisser penser, mais la réponse est incertaine. Ainsi, l’introduction très remarquée du déséquilibre significatif dans le nouveau droit commun des contrats suscite de nombreuses interrogations quant à sa portée pratique, que les juges devront prochainement éclaircir. 

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