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Bonne nouvelle pour les sociétés : la contribution additionnelle sur les dividendes versés jugée contraire au droit de l’UE

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Publié le 06/20/2017
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Droit fiscal : Contribution additionnelle sur les dividendes 

(CJUE, 1E chambre., 17 mai 2017, Aff.C-365/16, AFEP)

Aujourd’hui codifié à l’article 235 ter ZCA du Code général des impôts, l’article 6 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 est venu instaurer une contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés (IS) au titre des montants distribués. Ainsi, l’article précité dispose que « Les sociétés ou organismes français ou étrangers passibles de l’impôt sur les sociétés en France (…) sont assujettis à une contribution additionnelle à cet impôt au titre des montants qu’ils distribuent au sens des articles 109 à 117 du présent code. La contribution est égale à 3 % des montants distribués ».

Toutefois, loin de faire de cet impôt une charge fiscale universelle, la loi française en restreint à bien des égards la portée ; ainsi les dividendes versés par des petites et moyennes entreprises ou encore par des sociétés membres d’un même groupe intégré fiscalement en sont exonérés.

La validité et la pérennité de l’impôt sur les sociétés 

La jurisprudence, sous l’impulsion de la doctrine, n’a pas tardé à faire connaitre ses craintes quant à la validité et la pérennité d’un tel impôt, d’abord en contestant la constitutionnalité de l’exonération réservée aux sociétés membres d’un même groupe intégré fiscalement.

La contestation de l’exonération : Principes d’égalité  

Ainsi, le Conseil constitutionnel, saisi par le Conseil d’Etat, avait déclaré une telle exonération contraire au principe d’égalité devant la loi et devant les charges publiques. Elle justifiait alors sa position par le fait, d’une part, que la contribution additionnelle de 3% était un impôt autonome, distinct de l’impôt sur les sociétés. De ce fait, l’exonération instituée par les dispositions contestées était sans lien avec le régime de l’intégration fiscale, qui ne concerne que l’impôt sur les sociétés. Elle soutenait en outre qu’en instituant la contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés au titre des montants distribués, le législateur a entendu poursuivre un objectif de rendement qui ne constitue pas, en lui-même, une raison d’intérêt général de nature à justifier la différence de traitement instituée entre les sociétés d’un même groupe réalisant, en son sein, des distributions, selon que ce groupe relève ou non du régime de l’intégration fiscale. 

Modification législative : Condition de détention capitalistique

Cette première décision avait d’ailleurs mené le législateur à une modification de la législation : les montants distribués entre une société mère et une société fille ne peuvent être exonérés de la taxe additionnelle de 3% lorsque la société mère détient moins de 95% du capital ou lorsque, détenant plus que ce pourcentage, elle n’a pas opté pour l’intégration fiscale. Elle a ainsi ajouté une condition de détention capitalistique au cadre légal de la contribution additionnelle.

Mais plus encore, le Conseil d’Etat avait parallèlement ouvert un nouveau front sur la validité de la contribution additionnelle de 3% elle-même, en saisissant la CJUE pour un renvoi préjudiciel par une décision du 27 juin 2016. Le but de cette saisine était que la Cour se prononce quant à la compatibilité de ladite contribution avec la directive mère-fille, et notamment avec son article 4§1, lequel vise à éviter la double imposition des bénéfices reçus par une société mère de ses filiales établies dans un autre Etat membre de l’UE. Cela laissait aux Etats membres le choix entre un système d’exonération desdits bénéfices ou de taxation avec crédit d’impôt (système dit de l’imputation). La France ayant opté en faveur du premier système, elle doit s’abstenir d’imposer les distributions entrant dans le champ de la directive.

Dans un arrêt du 17 mai 2017, la CJUE relève que l’assiette de la contribution de 3%, constituée des dividendes distribués par les sociétés assujetties à l’impôt sur les sociétés en France, comprend potentiellement les bénéfices reçus de filiales établies dans d’autres Etats membres de l’UE. Par conséquent, elle considère que la France méconnait de ce fait l’article 4§1, en ce que la contribution aboutit à taxer au moins une seconde fois ces dividendes, qui sont d’ores et déjà taxés dans le pays de destination.

Ainsi la Cour retient-elle que « L’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/96/UE du Conseil, du 30 novembre 2011, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents, telle que modifiée par la directive 2014/86/UE du Conseil, du 8 juillet 2014, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une mesure fiscale prévue par l’État membre d’une société mère, telle que celle en cause au principal, prévoyant la perception d’un impôt à l’occasion de la distribution des dividendes par la société mère et dont l’assiette est constituée par les montants des dividendes distribués, y compris ceux provenant des filiales non-résidentes de cette société. ».

Si la décision de la CJUE marque d’ores et déjà un certain aboutissement, on ne saurait douter du fait que ce n’est qu’une première étape. Rappelons que la Haute Assemblée s’était refusée à se prononcer sur l’existence d’une atteinte au principe d’égalité qui résulterait de l’application de la contribution aux redistributions par une société mère française des seuls dividendes provenant de sociétés établies en France ou dans un Etat tiers à l’Union européenne. Elle avait en effet estimé qu’aucune différence de traitement ne pouvait être constatée tant que l’application de la contribution aux redistributions de dividendes provenant d’une société établie dans un Etat de l’UE n’avait pas été jugée incompatible avec la directive mère-fille.

Cette incompatibilité étant désormais établie, le Conseil d’Etat devrait être saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité lui permettant de réexaminer les dispositions concernées au regard de la Constitution et décider ou non de sa transmission au Conseil constitutionnel.

 

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