L’employeur dispose d’un moyen méconnu pour contrôler la justification des arrêts de travail de ses salariés : la contre-visite médicale. Cette faculté, jusqu’à récemment largement encadrée par la jurisprudence, vient d’être toilettée par le législateur afin d’en préciser les modalités et conditions d’application.
Principe. Lorsqu’un salarié est en arrêt de travail pour maladie et que l’employeur est tenu de lui verser une indemnité complémentaire à l’allocation journalière de sécurité sociale[1] – en somme, quand l’employeur est tenu d’assurer au salarié un maintien de salaire pendant son arrêt de travail – il dispose du droit d’opérer un contrôle afin de s’assurer du caractère justifié de cet arrêt de travail, y compris en sa durée [2].
Cette faculté existe au bénéfice de l’employeur depuis 1978[3], comme au bénéfice des organismes de sécurité sociale.
Toutefois, dans un souci de contrôle accru des arrêts de travail et de réduction des dépenses de santé, le législateur a récemment précisé les modalités, conditions et mise en œuvre de la contre-visite médicale diligentée par l’employeur[4] à travers un décret entré en vigueur le 7 juillet dernier qui vient notamment consacrer les principes posés par la jurisprudence.
Désormais, dès le début de son arrêt de travail et à chaque modification, le salarié doit communiquer à son employeur, par tout moyen, les éléments suivants [5] :
- Son lieu de repos, s’il diffère de son domicile ;
- Les horaires auxquels la contre-visite peut s’effectuer dans l’hypothèse où il bénéficie d’un arrêt de travail portant la mention « sortie libre ».
L’employeur peut alors – sans en informer préalablement son salarié[6] – mandater le médecin de son choix à condition que ce dernier soit indépendant et impartial, afin qu’il réalise la contre-visite médicale, et ce, à tout moment pendant l’arrêt de travail.
Point de vigilance. Si le maintien de salaire auquel est tenu l’employeur résulte d’une convention ou d’un accord collectif, l’employeur ne peut procéder à une contre-visite médicale que si cette faculté est prévue par ces textes.
La contre-visite pourra, le cas échéant, être organisée, selon le choix du médecin et sous réserve de l’état de santé du salarié soit au domicile/lieu de repos du salarié, sous réserve qu’il en ait correctement avisé au préalable son employeur, soit au cabinet du médecin sur convocation préalable du salarié[7].
Au terme de sa mission, le médecin sera alors tenu d’informer l’employeur (1) soit du caractère justifié ou injustifié de l’arrêt de travail, y compris de sa durée (2) soit de l’impossibilité de procéder au contrôle en en précisant les raisons.
Il appartiendra alors à l’employeur de transmettre, sans délai, cette information au salarié[8].
Recommandations. Le législateur ne précisant pas sous quelle forme cette information doit être adressée, nous recommandons de procéder par lettre recommandée avec accusé de réception, pour des raisons probatoires, et de préciser dans ce courrier les conséquences du résultat du contrôle.
Le médecin-contrôleur devra également soumettre son rapport à la Sécurité sociale, laquelle pourra décider de faire effectuer à son tour un contrôle ou d’interrompre le versement des indemnités journalières de sécurité sociale.
Le décret ne précisant pas les conséquences de la contre-visite médicale, il convient à notre sens de s’en tenir aux effets précisés par la jurisprudence.
Ainsi, l’employeur sera libéré de son obligation de verser le complément de rémunération pour la durée de l’arrêt de travail restant à courir :
- Si le médecin-contrôleur n’a pas pu effectuer le contrôle pour une raison imputable au salarié (refus de se soumettre au contrôle sans motif légitime, absence, etc.)[9],
- Si le médecin-contrôleur estime que l’arrêt de travail n’est pas justifié[10].
Précisions. Il est impossible de sanctionner un salarié dont l’arrêt de travail est remis en cause par le médecin. De plus, en cas de prolongation de l’arrêt de travail, le maintien de salaire devra être repris et une nouvelle contre-visite pourra être organisée à l’initiative de l’employeur.
La contre-visite médicale peut ainsi, sous réserve que l’exercice de ce droit ne dégénère pas en abus, représenter un outil intéressant pour les employeurs afin de garantir le bon fonctionnement de l’entreprise.
[1] Alinéa 1er de l’article L. 1226-1 du Code du travail
[2] Alinéa 3 de l’article L.1226-1 du Code du travail
Article R. 1226-11 du Code du travail
[3] Loi n°78-49 du 19 janvier 1978 relative à la mensualisation et à la procédure conventionnelle
[4] Décret 2024-692 du 5 juillet 2024 relatif à la contre visite mentionnée à l’article L.1226-1 du Code du travail
[5] Article R.1226-10 du Code du travail, nouveau
[6] Cass, soc, 4 décembre 1986, n°85-43.357
[7] Article R.1226-11 du Code du travail, nouveau
[8] Article R. 1226-12 du Code du travail, nouveau
[9] Cass, soc, 15 octobre 1987, n°85-40.555
[10] Cass, soc, 28 novembre 2000, n°98-41.308